Les enfants sont reconnus pour poser mille et une questions sur tous les sujets possibles. C’est ainsi qu’ils essaient de comprendre la vie et de maîtriser le monde. Quand la mort survient autour d’eux, leurs questions révèlent comment le deuil s’immisce dans leur vie.
Comprendre ce qui arrive : Qu’est-ce qui se passe ? Comment Léa est-elle morte ?
L’annonce de la mort d’un proche entraîne un état de choc et les enfants n’y échappent pas. Les enfants perçoivent leurs parents comme forts et puissants. Le fait de les voir s’effondrer, pleurer, crier ou frôler l’évanouissement confirme à leurs yeux la gravité de la situation et génère de l’anxiété. Surgissent alors des questions pour comprendre ce qu’est mourir : Est-ce que ça saigne quand on meurt ? Fait-il noir à l’hôpital ? Ou des questions pour apprivoiser l’absence : Où est papi maintenant qu’il est mort ? Que fait-il tout seul ?
Plusieurs questions incongrues peuvent être posées jusqu’au jour où ils comprennent que la mort induit une absence irréversible. Que faire ? Donner des réponses simples arrimées au niveau de développement des enfants et s’assurer qu’ils comprennent ce qu’on leur dit.
Se sentir coupable : Ai-je fait mourir maman ?
Le deuil s’accompagne de sentiments de culpabilité d’intensité variable. Des enfants se demandent s’ils n’ont pas fait mourir leur frère parce qu’ils en avaient assez que leurs parents les négligent au profit d’un petit malade. Ceux à qui maman ou papa a simplement dit en langage courant « arrête de crier, ça me tue ! » ou encore « si tu continues ce cirque, je vais faire un malheur » pourraient imaginer que leur maman serait encore là s’ils n’avaient pas été si turbulents.
Certains enfants se reprochent secrètement l’accélération de la mort d’un proche, mais l’extériorisent peu, car ils se sentent aussi coupables du chagrin de leurs parents. Une culpabilité qui peut perdurer et même laisser des traces à l’âge adulte. C’est pourquoi, lors d’un décès dans la famille, il importe que le ou les parents survivants insistent pour dire que tous ont de la peine et que personne n’est responsable de la mort de maman ou de la petite sœur. Dans certains cas, comme lors d’un suicide, le sentiment de culpabilité est exacerbé et il est alors essentiel de transmettre le message de la non-responsabilité des autres membres de la famille.
Affronter l’insécurité : Es-tu vieux papa ?
Quand on perd un proche, les certitudes de la vie sont ébranlées. L’inimaginable est survenu. Il pourrait donc se reproduire. Le deuil s’imprègne ici d’un sentiment d’insécurité. On explique aux enfants que papi est mort parce qu’il était vieux et très malade. Les enfants n’en sont pas nécessairement rassurés, car à leurs yeux, leurs parents aussi sont vieux. « Mourras-tu toi aussi papa ? », s’enquerra le jeune inquiet. Puis, quelques semaines plus tard, survient la grippe ou la gastro dans la famille. Marie manifeste ses craintes d’un « Papi avait-il la grippe à l’hôpital ? »
Les plus jeunes s’expriment non seulement en mots, mais aussi en jeux. Ainsi, Mimi joue sans cesse à soigner sa poupée et Luc enterre son ourson, fixe une branche sur le monticule et se couche à ses côtés dans la cour arrière. D’autres enfants appelleront parfois à l’aide rien que pour tester l’attachement réel des autres à leur endroit. En période d’insécurité, les enfants ont donc besoin d’être rassurés quant à leurs craintes, fondées ou non, et réconfortés en paroles et en gestes affectueux quant au fait qu’ils sont aimés et ne seront pas abandonnés.
Mêler colère, impuissance, abandon : Pourquoi a-t-on laissé mourir Ti-Paul ?
Quand la mort frappe, elle induit un sentiment d’injustice parce qu’elle a frappé sans raison. Elle génère un sentiment de colère envers la médecine qui n’a pas pu sauver l’être aimé ou encore un sentiment d’abandon qui fait parfois en vouloir au conjoint décédé. Les enfants croient en la toute-puissance des parents. Certains ne comprennent donc pas qu’on ait laissé mourir leur petit frère ou que le médecin n’ait pas guéri mamie. Ils sont inquiets.
Quand un parent meurt, bien des enfants se sentent abandonnés. Ne concevant pas bien ce qui a entraîné la mort ni son irréversibilité, ils saisissent mal pourquoi maman ne revient pas. Même plus âgés, sachant que la mort est permanente, des enfants ressentent un grand vide rempli de ce sentiment d’abandon. « Maman n’est pas là à Noël, ni à ma fête… C’est ma graduation, maman me manque… J’aurais tant voulu qu’elle me voie à mon premier emploi… » : autant d’expressions de la cicatrice laissée par la perte du parent. Même les adultes gardent l’empreinte de ces cicatrices d’enfance. Une cicatrice avec laquelle ils ont appris à vivre, même bien vivre, mais qui s’ouvre périodiquement en des moments significatifs de la vie.
Vivre la tristesse : Le soir, je pleure un peu tout seul…
La tristesse est l’état de deuil le plus connu. Les enfants pleurent quand ils sont tristes, mais aussi lorsqu’ils voient leurs parents pleurer. Les pleurs des parents témoignent qu’ils aimaient le frère ou la sœur décédée. Mais ils pleurent tellement que certains enfants en viennent à se demander s’ils sont encore aimés eux aussi. Ils ont besoin d’entendre un parent leur dire qu’il les aime. Ils ont besoin de croire que leurs parents redeviendront un jour les parents qu’ils ont l’impression d’avoir perdus en même temps que le décédé. Des parents souriants, joueurs, actifs qu’ils avaient antérieurement.
Pour colmater la tristesse, des erreurs sont à éviter. On croit à tort se soulager et prolonger la présence d’un décédé en faisant une place excessive, prépondérante et immuable aux objets et photos rappelant le frère disparu. Ce quasi-sanctuaire s’avère suffocant pour les enfants qui ont l’impression que rien ne compte d’autre que ce frère mort. Le contraire est lui aussi nocif. En effet, faire disparaître du jour au lendemain tout ce qui rappelle maman, ses vêtements, ses photos, ses bijoux, crée un vide qui évacue indûment la décédée de la famille. Le souvenir et la mémoire affective sont ainsi mis en état de privation.
Un dernier élément doit retenir l’attention. Ce n’est pas parce que les enfants reprennent leurs jeux, revoient des amis et rient que le deuil est terminé et qu’ils ne sont plus affectés au plus profond d’eux-mêmes. Non, les jeunes enfants recommencent à jouer, comme les adultes reprennent le travail et les écoliers retournent en classe. L’activité régulière reprend, mais la perte et ses cicatrices demeurent. Elles se fermeront tranquillement.
À des questions d’enfants… des réponses d’adultes
Les questions et mots d’enfants lorsque bien décodés par les adultes s’avèrent de précieux outils pour les aider. Les réponses des adultes se feront par des mots, caresses doucement prodiguées, visites au cimetière, photos regardées ensemble, dessins évacuant le trop-plein. À des questions d’enfants révélatrices du deuil… des réponses d’adultes sont nécessaires pour comprendre, réconforter et laisser espérer qu’il est possible de redevenir heureux.
Texte : Lucie Fréchette, docteure en psychologie
Image : Pixabay
Publié dans la revue Profil
À propos de l'auteure
Docteure en psychologie, Lucie Fréchette est professeure émérite de l'Université du Québec en Outaouais. Elle est également membre du conseil d'administration de la Coopérative funéraire du Grand Montréal.
Ressources :
Deuil-Jeunesse, deuil-jeunesse.com
Votre coopérative funéraire peut également vous renseigner sur les groupes de suivi de deuil disponibles dans la région.
Bonjour,
Effectivement, vous avez raison, nous venons d'ajouter une note à propos de l'auteure, avec la référence.
J'ai beaucoup apprécié cet article sur le deuil des enfants. Je vais le relire plus tard.
Cet article m'aide même après 14 ans du deuil de mon époux....de la perte d'autres personnes...cela m'aide encore aujourd'hui avec du recul a comprendre ce que mes enfants ont pu vivre ou ressentir de voir leur mère si épleurée...merci de cet article...je suis en train de perdre 2 belles soeurs présentement...
Il serait peut-être pertinent d'y ajouter l'organisme Deuil-Jeunesse comme référence?
Lucie, 19 septembre 2017