Comment exprimer ma peine et ma douleur qui transperce ma peau jour après jour depuis le décès de mon fils... Il n'y a tout simplement pas assez de mots pour décrire mon déroutement face à cette nouvelle épreuve. Je pourrais trouver : colère, révolte, ressentiment envers la vie !??? Mais qui pourra m'assurer l'espoir, la joie, la confiance et la paix d'esprit pour les jours, les semaines, voire les années à venir ???
Une entière incompréhension m'envahit depuis le 14 janvier 2004. Oui, le 14 janvier 2004 est né Médérick, mon petit garçon. 6 heures plus tard, il est mort dans les bras de son papa, Sylvain...!!!
Le 14 janvier 2004, à 11h33, j'ai mis au monde mon bébé que je portais avec fierté dans mon ventre depuis 35 semaines. On l'attendait, on était prêt. Mais 6 heures plus tard, la maladie qui le rongeait, est venue nous le séparer du monde des vivants auquel nous y sommes toujours. Je ressens au plus profond de moi une grande injustice. Pourquoi Dieu est-il venu chercher mon petit bébé que je voulais tant ??? Pourquoi Médérick ??? Qu'ai-je fais pour que l'on vienne m'arracher ce petit bout de bonheur de mes doigts ??? N'ai-je pas le droit au bonheur ? La mise au monde d'un enfant... N'est-ce pas cela le bonheur pour tout futurs parents ?
Mes émotions sont bouleversées. Je ressens une rage indescriptible à l'intérieur de mon âme, une révolte insurmontable. La mort de Médérick est la pire des choses que j'aurais douté vivre dans ma vie. Je n'y crois pas encore... Pour moi, c'est un film que j'ai vu. Le choc est encore beaucoup trop ancré en moi. Mon petit Amour parti dans le néant pour toujours... C'est difficile à accepter. C'est probablement une situation inacceptable. Avec le temps, me dit-on, on parvient à accepter le pire des situations... Je doute pour aujourd'hui... Demain... qui sait ??
Malgré mon immense chagrin, je garderai en mémoire les joies de ma grossesse. Quel plaisir, quel bien-être, quel enchantement que celui de porter un enfant en soi. 35 belles semaines à m'émerveiller devant un petit être qui se créait en moi. 35 belles semaines à m'épater devant le miroir qui reflétait mon corps plus arrondi. 35 belles semaines à apprendre un tout nouveau langage... Le langage des futurs parents... Autant obstétrical que maternité. Je me plaisais dans toute cette préparation. J'étais épanouie. Heureuse serait le mot juste. Oh ! bien sûr, n'oublions pas les poussées d'hormones qui surviennent sans avertir. Quelle horreur pour Sylvain... Et pour moi aussi...!!!
* * *
Une fois Médérick sorti, on le dépose sur moi. Une grande bouffée d'amour se dégage de mon âme pour entourer ce petit bout de chou. Je lui ai caressé le front le temps d'une larme de ma part. Papa Sylvain nous regardait et s'émerveillait devant ce spectacle qui s'ouvrait devant ses yeux tout en coupant le cordon ombilical. Il s'y est pris à 2 reprises tant la nervosité l'avait atteint. Je lance un sourire de fierté à Sylvain pour qui c'est réciproque. Un chaud et doux moment gravé pour toujours dans ma mémoire. L'amour y était !
Puis, une dizaine de mains se sont emparées de Médérick, nous coupant ainsi de notre euphorie. L'équipe de pédiatrie prodiguait les premiers soins à Médérick sur une table avoisinante de mon lit pendant qu'on s'affairait à faire sortir mon placenta. Nous asseyions tant bien que mal, au travers toutes les personnes qui entouraient Médérick, de regarder le plus beau cadeau que la vie nous ai offert jusqu'à maintenant ...... Notre fils..... !!!!
Une dizaine de minutes se sont écoulées avant que l'équipe de pédiatrie amène Médérick aux soins intensifs. Sylvain et moi, impuissants, restions dans la chambre avec les quelques infirmières qui restaient. On me lavait tandis que Sylvain téléphonait à la famille pour leurs annoncer que Médérick était de ce monde, mais qu'il n'allait pas bien du tout et qu'il était maintenant rendu aux soins intensifs. Aussitôt les téléphones raccrochés, les parents se sont mis en route pour Montréal afin de venir nous apaiser un peu et pour rencontrer leur petit-fils....
Vers 13h00 on me transférait de chambre tandis que Sylvain pouvait enfin aller voir Médérick aux soins intensifs pour la première fois. Pauvre petit, il était intubé de partout. Sylvain revenait me voir, impuissant, m'annoncer ce qui en était. Un cœur beaucoup trop gros (90% du thorax), les poumons pas assez développés, une difficulté à respirer par lui-même (je doute même qu'il ai jamais respiré de lui-même) etc...etc... Les nouvelles étaient toutefois encourageantes selon les deux chefs de la pédiatrie.
La famille arrive enfin vers 14h30. La belle-famille aussi. Quel soulagement d'être enfin entourés selon la situation. Sylvain n'a pas cessé ses allées et venues entre ma chambre et les soins intensifs. Plus l'après-midi avançait, plus les nouvelles se détérioraient. Sylvain entre en catastrophe pour m'annoncer que Médérick doit être transféré à l'hôpital Children pour être branché sous leur respirateur car ici, à l'hôpital Juif, leurs appareils ne suffisent plus pour les besoins. Mais moi, je veux voir mon bébé...!!! Il n'est pas question que l'on transfère Médérick sans moi..... Mais.... Je ne peux pas le suivre.....Horreur !!! Là, je me mets à crier, à pleurer, impuissante.... « Je veux voir mon bébé....Je veux voir mon bébé.... !!! »
Sylvain retourne voir le médecin et lui explique la situation. Il revient avec une photo de type Polaroïd. Enfin...!!! Je peux finalement voir mon fils !!! Il est intubé de partout. Il n'est pas gros mais il est tout mignon. « Regardez !!! C'est lui mon bébé !!! C'est lui mon fils !!! Notre fils !!! »
Je me résigne enfin à la situation du fait que Médérick soit transféré sans moi. Sylvain m'explique que les ambulanciers viennent d'arriver et attendent les dernières préparations pour l'emmener avec eux. Et il repart aussitôt vers le chemin des soins intensifs. Moi, pendant ce temps, j'essaie de faire la conversation avec la famille qui est tout aussi impuissante que nous. Sylvain revient, avec un air abattu, me préparant probablement au pire. Que Médérick se bat très très fort mais que ce sera possiblement en vain.... Médérick est dans un piètre état. Il y a même des chances que le transfert n'ai pas lieu... Et Sylvain retourne auprès de lui. Je ne sais plus quoi penser. Mes émotions sont toutes mélangées les unes des autres.... La joie ressentie le matin même laisse place au désarroi.... au désespoir...
Sylvain revient dans la chambre avec le médecin le devançant de quelques pas. Quand j'ai vu le docteur............. c'est comme si on venait de me transpercer le cœur avec le plus grand des couteaux. Plus il s'avançait vers moi, plus je savais...... J'aurai voulu crier de toutes mes forces.... Il m'expliquait que Médérick était rendu au bout de son combat, qu'ils ont tout fait pour lui.... Maintenant, il était temps de le laisser partir. Sylvain m'expliquait à son tour qu'il avait pris la décision et signer les documents pour le faire débrancher pour le bien-être de Médérick, qui souffrait de plus en plus. Pas facile comme décision... Mais je comprenais très bien ce que nous vivions. Le docteur me demanda si je voulais le voir, qu'il y avait une possibilité de l'amener à ma chambre. Ma réponse fût un « Oui » catégorique. « Je veux voir mon bébé... Je veux voir mon garçon... »
Vers 17h00, une infirmière entre dans ma chambre avec un petit poupon dans ses bras. Entouré d'une couverture et d'une petite tuque sur sa tête, on dépose enfin mon bébé dans mes bras. Ouffff !!! Je suis contente de tenir mon bébé, ma bouffée d'amour, mon enfant.... L'ambiance de la chambre est triste. Tout le monde pleure à différents rythmes. Moi la première. Mes émotions se bousculent en moi... La joie d'être avec mon petit bébé, la peine de le voir s'envoler vers les anges. Je ressentais son petit cœur bouger. C'est comme s'il dormait dans mes bras. Dors, dors mon petit ange... Puis je l'ai doucement déposé dans les bras de son papa. Les yeux dans l'eau, Sylvain, à son tour enfin, pouvait tenir son tendre Médoune d'amour dans ses bras. Il n'y a tout simplement pas de mots pour décrire ces moments-là... Sauf l'Amour !!
Nous nous partagions, Sylvain et moi, de bras en bras notre fils Médérick, pour en profiter le plus possible. Le temps jouait contre nous. Puis le temps de quelques photos, la famille a pensé bon de nous laisser nos derniers instants à nous trois. Je crois que c'est là que nous avons découvert les liens qui nous unissaient tous les trois. « Regarde chéri, c'est notre bébé à nous seul... » Pendant que Sylvain tenait son fils dans ses bras, une infirmière fit son entrée dans la chambre. Toute silencieuse, elle prends le pouls de Médérick. Nous faisant un petit signe de non...... (il n'y a plus de pouls). Médérick est mort dans les bras de son papa. Il est parti rejoindre les anges dans une ambiance d'amour. Entouré de maman et de papa, notre bébé n'était pas seul lors de sa traversée vers le monde de l'au-delà. Et je suis certaine que de l'autre côté, il a été accueilli dans l'Amour Infini...
« Laissez-moi le tenir dans mes bras pour une dernière fois avant de l'amener avec vous... »
« Médérick, mon grand, maman est fière de toi. Tu t'es battu pendant 6 heures. Tu voulais, tu insistais, malgré le mal qui te rongeait. Dis-toi bien mon ange, que je suis contente de faire ta connaissance. Tu es tellement mignon. Jamais ! Jamais je ne cesserai de t'aimer mon garçon ! Oui maman pleure... Si tu pourrais savoir tout l'amour que j'avais à te donner. Je sais que j'aurai fait une bonne maman pour toi. Dors... dors mon petit Ange. Prends doucement ton envol. Sois sage là-haut. Non... maman ne t'oubliera pas.... Viens me voir autant de fois que tu le voudras la nuit dans mes rêves, maman sera là. N'oublie surtout pas d'aller visiter papa, il t'aime tellement lui aussi. Tu seras toujours notre bébé à nous... Ne t'inquiète pas Médérick, maman est là, je t'aime mon grand.... »
Après cette douce rencontre avec notre fils, Médérick fut transporté loin de la chambre. Nous restions tous sans mots. Quelques regards de sympathie ici et là mais sans plus. Nos visages tracés de douleur se recouvraient de larmes et d'injustice. Plus tard, une infirmière nous remets une petite boîte contenant les effets personnels de Médérick tels sa petite tuque bleue, son bracelet, son baptistère, ainsi qu'un carton avec ses empreintes dessus. De même que sa couverture qui lui a servi de lambeau quelque temps auparavant. Les parents nous ont soutenus durant ces heures souffrantes jusqu'à ce qu'on nous impose de prendre des sédatifs pour mieux dormir la première nuit. Heureusement, Sylvain était dans le lit voisin et a passé la nuit à mes côtés. Nous étions dans une chambre privée et, à notre porte, une feuille y était collée avec comme écrit : « Veuillez vous adresser au poste de garde avant d'entrer dans cette chambre. » Une rose noire y était dessinée; sûrement un code pour désigner une famille en deuil...
Comme si nous avions perdu la notion du temps, vendredi arriva rapidement. Déjà le retour à la maison. J'ai eu mon congé de l'hôpital vers 14h00. Rendue au rez-de-chaussée, je fondais de nouveau en larmes du fait que, dans quelques instants, je franchirais le hall d'entrée les mains vides laissant mon petit garçon au sous-sol. Quelle cruauté mentale que la vie me faisait vivre. Assise sur la banquette arrière de la voiture, la tête sur l'épaule de Sylvain, mes pensées étaient vagues. Ma maman assise devant n'osait dire un mot ne sachant tout simplement pas quoi dire.
Au cours des jours qui ont suivi, sympathies et condoléances, venant de personnes au grand cœur, apaisaient un peu notre souffrance. Nous en avions tant besoin. Le retour dans un décor, là où était attendu un petit bébé fût des plus atroces pour nous deux. De même que le mercredi suivant, soit le 21 janvier 2004, il nous a fallu aller chercher les cendres de Médérick à Montréal au complexe funéraire Alfred Dallaire.
Médérick est avec nous aujourd'hui, à la maison. Un petit reliquaire en marbre en forme de chat le représente maintenant. Les cendres y sont dedans. Pas plus haut que 4 pouces, notre bébé est confortablement installé sur la tablette du haut du meuble dans le salon. Sur le mur derrière lui, une photo de nous trois y est accrochée. Voici les seuls souvenirs palpables que j'ai de mes 35 semaines de grossesse. Un grand détour dans ma vie pour n'avoir qu'en retour qu'un simple bibelot là où la poussière fera des siennes....
Comment exprimer ma peine et ma douleur qui transperce ma peau jour après jour depuis le décès de mon fils...
Il n'y a tout simplement pas assez de mots pour décrire mon déroutement face à cette nouvelle épreuve.
Sauf peut-être le merveilleux passage d'un petit être qui ne voulais que vivre qu'auprès de sa maman et de son papa. Notre petit garçon !
Médérick Veilleux !!
« Dors... dors mon petit Ange... Maman est là... Je t'aime mon grand... »
Merci de m'avoir lue...
Guylène
(Québec)
Commentaires (3)
Bonjours Guylène,
Même si cela fait maintenant longtemps que votre enfant a rejoint les anges, je vous souhaite toutes mes condoléances...
Mais je vous remercie infiniment d'avoir partagé cette expérience extrêmement douloureuse avec nous ! Je n'ai pas arrêté de pleurer tout le long du texte, et mes pleurs s'intensifiaient au fur et à mesure de la lecture. J'espère que vous avez trouvé en vous le courage de continuer à vivre malgré cette perte...
Cela m'a bien fait réfléchir et je vous en remercie !
Bouleversante votre histoire... Ça m'a touchée vous êtes une femme extraordinaire... Je n'ai pas les mots... ❤
Chère Guylène
Rose, 23 décembre 2015Je vous remercie d'avoir écrit à propos de votre deuil.
Je suis touchée car vous avez choisi de partager vos questions avec une grande sincérité!
Le temps passe et se remplit peu à peu de lumière...
Si vous en ressentez le désir, continuez à écrire et même une histoire ou un conte... Cela m'aide beaucoup! Il ne faut pas avoir peur de pleurer et d'accepter sa peine! La créativité sous toutes ses formes nous aide! Pour moi, c'est l'écriture de contes et la couture. L'important est de faire des choses que l'on aime. Cela soulage et ouvre la porte et la fenêtre!
Beaucoup de bonnes choses pour vous!
J'ai 56 ans
Merci à vous!