J'écris ce message afin de déculpabiliser ceux, celles qui, au moment de la perte d'un être cher n'éprouvent pas de chagrin, mais du soulagement. Ce fut mon cas à deux reprises. Au début de mon adolescence, ma grand-mère que j'adorais est décédée des suites d'un accident de la circulation qui avait obligé à l'amputer et avait provoqué un traumatisme crânien après lequel elle avait perdu la tête. Le calvaire a duré 3 mois à l'hôpital. Elle n'était plus la même. Je frissonnais d'horreur quand mes parents affirmaient pour me rassurer : « Quand Mémé ira mieux, on la ramènera à la maison, on s'occupera bien d'elle ». La vie à la maison avec une infirme aurait représenté pour tous une épreuve bien pire encore que la mort.
Bien longtemps après, le mari de ma mère est mort, dans leur maison, très âgé, diminué, continuellement assisté. Dire que nous l'avions si actif, si gai ! Les derniers jours de sa vie, j'éprouvai un déchirement indicible devant son état qui ne s'améliorerait jamais. La vue des objets familiers, témoins de son dynamisme et de sa joie de vivre : ses bottes de jardin, la boîte des cigares qu'il aimait fumer me brisait le cœur.
À la mort de ces deux êtres que j'aimais, j'ai ressenti un vif soulagement, je n'ai pas honte de l'avouer. Par contre, s'ils étaient morts subitement, mon chagrin aurait été immense. Le regret, la peine, sont venus plus tard, sous une forme différente. Leur mort pour moi représentait leur guérison, leur libération. Ils redevenaient à nouveau eux-mêmes, désincarnés, je pouvais à nouveau dialoguer avec eux.
Evita
Limoges (France)