Entassées dans un sac, à la hâte, à la va-vite, pour ne plus les voir...
Des chaussures d'homme. Des chaussures, taille 45, c'est énorme quand elles sont posées au sol...
J'ai relevé la tête en cherchant un corps d'1mètre 85 qui serait dans ces godasses...
Le vide, personne, juste une silhouette floue dans ma tête...
Le bruit de pas que font ces chaussures y résonnent encore,
chaussures qui marchent, qui réfléchissent, qui dansent...
Jamais qui courent ! Chaussures qui piétinent...
Qui ressassent, qui cogitent, qui partent sur un coup de tête et qui reviennent un jour...
Que de kilomètres elles ont fait ces fichues tatanes...
Leurs semelles pourraient raconter qu'elles ont foulé le sol des bars, des restos, des casinos,
des lieux de ton travail, elles sont allées en France, à l'Étranger...
Mon dieu, comme elles ont bougé...
Je n'avais pas cette image-là de ce qui nous protège les pieds...
Hier dans le sous-sol où je les ai alignées,
touchées et puis caressées avant qu'un grand sac plastique ne les recueillent...
Ce matin à 8 h, serrées contre mon cœur, j'ai eu bien du mal à les déposer à la Chaloupe,
lieu d'hébergement des sans-abri, juste à côté de l'agence lesdites pompes, celles...
De mon homme...
Peut-être que maintenant, quand je croiserai les clochards du coin, plutôt que leur nez rouge,
je regarderai leurs souliers...
par Marie
Rouen (France)