Maman,
J'aimerais tellement te parler une dernière fois. Depuis ton départ incompréhensible il y a un mois, je suis démolie. Détruite de l'intérieur. J'ai passé le mois de Mai en apnée, complèment déconnectée de la vie. Je pense sans arrêt à toi, et tu vois je suis même rendue sur un site d'aide au deuil. Tu m'aurais dit que c'est bien de faire cela. Tu aurais dit aussi d'arrêter de pleurer et de vivre ma vie. Que c'est des choses qui arrivent. Mais moi je refuse. Je refuse que tu ne sois plus là. Je ne veux pas te laisser partir. Je veux me réveiller de ce cauchemar. Je veux revenir dans le temps. Je veux que tu me téléphones pendant que je fais le ménage et que l'on parle pendant deux heures. Je veux aller me promener avec toi et jaser de tout et de rien. Je veux qu'on se raconte nos secrets et que tu me dises encore à quel point tu aimes nos conversations. Je veux que tu me prennes la main et que tu me dises "je t'aime ma fille". J'entends ta voix dans ma tête.
Je ne peux pas comprendre pourquoi toi, qui a tant souffert pendant la longue maladie de papa et après sa mort, tu n'aies eu droit qu'à un an de bonheur. Puis après, cette connasse de mort est venue sonner à ta porte. Et toi, tu n'as pas eu le choix de la suivre. Tu n'as même pas pu te battre. Tu n'as même pas eu le temps de réfléchir à ça. Tu es morte, comme ça en quelques minutes. Et moi je n'étais pas là. Je sais que tu me dirais que ce n'est pas grave, et que tu pensais à moi et à mes soeurs. Mais moi ça me tue de penser que tu n'avais pas tes filles avec toi. Que tu es partie sans nous revoir une dernière fois. Je déteste la vie d'être aussi cruelle. Je suis tellement en colère. Mais je ne sais pas sur qui me défouler. C'est comme une tempête qui est toujours là. Et de l'extérieur, je suis inexpressive. Je suis détachée de mes émotions. Je ne pleure pour rien ni personne. Je pleure seulement quand tu me manques trop et que je suis sur le point d'exploser de peine, de rage et d'injustice. Je sais que tu ne voulais pas mourir, que tu avais peur de la mort, tu n'imaginais jamais partir si vite. Je sais aussi que tu as paniqué un peu avant de partir, j'aurais tellement voulue être là ! J'aurais tellement voulu te bercer et te prendre dans mes bras. Te serrer fort et te dire de ne pas avoir peur. J'aurais voulu être à tes cotés une dernière fois.
Ton visage est imprimé dans ma tête. Je vois en boucle notre dernier câlin près de l'ascenseur. Ton sourire et ton signe de la main jusqu'à ce que les portes ne se referment. Ce jour-là, j'ai eu envie de retourner te voir, j'ai senti comme une urgence de retourner vers toi. Mais je ne l'ai pas fait.
C'est si injuste qu'une personne qui avait un droit acquis pour le bonheur, qui méritait de vivre une belle fin de vie, qui avait hâte de voyager, qui avait une pile énorme de livres à lire, qui venait de déménager avec son nouvel amoureux, soit morte comme ça. C'est presque ridicule ! C'est stupide ! Je hais la maladie, je hais le hasard, je déteste ton coeur de t'avoir lâchée et je déteste la vie de t'avoir arrachée à ta famille.
Ma lettre est un ramassis de phrases qui ne se suivent pas vraiment. Mais c'est à mon image n'est-ce pas ?
Cela m'a fait du bien. Pour ce soir, je me sens moins vide.
Viens me voir dans mes rêves.
Je t'aime maman.
M
Montréal (Québec)
Wow... ce texte me touche énormément, c’est exactement ce que je vis présentement avec le décès de ma mère il y a 3 semaines... et les circonstances semblent assez semblables.
Caroline, 10 mars 2020Ça fait du bien de se sentir moins seule à passer par là.