Mon amour, mon très grand amour, Je ne sais plus combien de fois... - Vos textes | La Gentiane - Deuil - Entraide
 

Mon amour, mon très grand amour, Je ne sais plus combien de fois...

Mon amour, mon très grand amour, Je ne sais plus combien de fois...

     Mon amour, mon très grand amour,

Je ne sais plus combien de fois j'ai tenté d'écrire ce petit mot... Pourtant, à la seule évocation de ton nom, je devrais être inondé d'inspiration. C'est tout le contraire qui se passe; celui qui a dit : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément », n'avait certainement pas vécu la douleur d'un deuil. Ton départ trop hâtif, trop soudain me coupe de toutes mes idées. Pour moi, le monde vient de s'effondrer.

Pourtant, durant toute ma vie d'enseignant, j'ai dit à mes élèves que composer était facile, qu'il suffisait de laisser couler nos pensées dans nos veines et laisser faire notre imaginaire, qu'il ne fallait pas s'imposer de barrière et que le papier allait se noircir tout seul... J'avais oublié la douleur de la séparation, le vide de la mort.

Dimanche dernier, je cherchais des papiers officiels dans les tiroirs qui constituaient ton jardin secret; j'y ai trouvé nos lettres d'amour que tu étais censée avoir détruites. Je te soupçonne de les y avoir laissées délibérément. Tu savais que je les trouverais, que je les relierais... Mon Dieu que j'ai pleuré ! Toi qui disais ne pas être capable d'écrire... À nouveau, des dizaines d'années plus tard, j'ai bu tes paroles, comme jadis, elles m'ont caressé l'âme, le cœur, le corps... Qui maintenant me dira que je suis beau, que j'ai des beaux yeux, que je suis doux... et que je serais disposé à croire... J'ai retrouvé des serviettes de table sur lesquelles on se griffonnait des mots d'amour. Tu te souviens des longues heures que nous passions au restaurant, les yeux plongés dans l'abîme de notre passion... J'ai revu la lettre enflammée que tu étais venue me donner devant mes élèves, j'en ai rougi de gêne à ce moment-là et même maintenant... J'ai revu plusieurs de tes valentins, plusieurs de tes poissons d'avril... Qui maintenant me cachera des cœurs dans mes bobettes ? Qui cachera des poissons amoureux dans le pain, dans le pot de margarine, dans mon café ? Tu n'as jamais manqué un 14 février, un premier avril, un 11 avril, un 25 mai. Ciel que ces petites attentions me manqueront !

Françoise, si tu savais comme je t'ai aimée, comme j'ai aimé ton corps, comme j'ai aimé tes airs coquins, ta candide naïveté ! Si tu savais comme j'aimais caresser ta peau si douce ! Si tu savais comme j'aimais sentir tes mains courir sur mon échine ! Si tu savais comme j'aimais que tu me dises que j'étais fort, franc, honnête, doux, sensible... Comme j'ai aimé ton incapacité à mentir... Qui d'autre que toi pourra m'abreuver de JE T'AIME sans se lasser ?

Tu te souviens de nos nuits d'amour que la pudeur m'empêche de raconter ? Tu te souviens de ces fois où nous nous faisions l'amour sans nous toucher, simplement en nous caressant du regard ? Tu te souviens des fois où nous nous amusions à échanger notre haleine...
Avec toi, la vie s'est changée en joie...
Avec toi, la pluie devenait soleil...
Avec toi, le temps n'existait pas...
Avec toi, je vivais, je riais, je ne me souciais pas de ce que tu allais penser... Tu as reçu mes joies, mes inquiétudes, mes peurs. J'ai consolé tes peines, j'ai mis du baume sur tes plaies, j'étais passionné par tes passions... Ciel que nous étions heureux ! Pourquoi faut-il que cette maudite Faucheuse nous sépare ? Pourquoi me faut-il te regarder enfermée dans cette boîte ? Tu trouvais la mort si stupide, si cruelle, si inutile, et te voilà, là, près de moi, toute froide, toute muette...

Je veux que tu saches, où que tu sois, que jamais je ne t'oublierai, que jamais je ne laisserai le temps estomper ton image si belle. Je jure que je tâcherai d'entretenir auprès de tes petits-enfants l'image d'une femme gaie, heureuse, aimante, respectueuse, toujours fidèle, toujours prête à rendre service. Tu as profondément aimé Jean-François, tu en as été fière, tu as fait tienne Louise-Andrée; notre amour s'est aussi prolongé en Jérôme, ce charmant chérubin et bientôt, un autre amour naîtra et nous deux, on y sera un peu pour quelque chose... Jean-François, Louise-Andrée, Jérôme, le futur bébé, je les aimerai pour deux... Ne t'en fais pas, j'en suis capable.

Même si cela est très pénible pour moi, je te promets de continuer à vivre le plus longtemps possible afin de perpétuer chez les autres les grandes qualités que tu avais.
Françoise, je t'ai aimée...
Françoise, je t'aime...
Françoise, je t'aimerai toujours...

Je te confie nos lettres, emporte-les, elles t'appartiennent... J'ai bien pris soin de les imprimer dans mes souvenirs...

Ton gros Loup

Jean-Luc
Sherbrooke (Québec)

Classé dans : Lettres Publié par : La Gentiane - Deuil - Entraide Date : 20 décembre 2006