Le 1er juillet 2024, 15h30, mon fils a mis fin à ses jours. Il avait 21 ans. Son décès est survenu lors d'une crise ; il était schizophrène (non décelé) et bipolaire. Il était dans un tel état de furie que je suis partie de chez moi en lui disant "oui, je vois bien que tu m'as en horreur, je pars un moment". Ma voisine, au courant de l'état mental de mon fils, me tenait au courant par texto. J'ai attendu une dizaine de minutes dans ma voiture garée 2 rues plus loin tout en laissant un SMS à mon fils qui habite à 1/2 heure de chez moi. Il m'a demandé: tu as peur ? J'ai dit : oui. "Tu as bien fait de partir, j'arrive".
Seulement 10 minutes… puis je suis allée chez ma voisine et avec mon accord, elle a composé le 15. 5 minutes après, les pompiers étaient là. Puis la SAMU. 1/4 d'heure plus tard, le médecin est venu vers moi et m'a dit: nous aurions pu le réanimer mais cela fait environ 20 minutes que son cerveau n'a pas été oxygéné et il aurait de graves séquelles. Nous avons cessé la réanimation !"
C'était la première fois que j'étais partie de chez-moi. C'était la première fois que je l'avais laissé seul! Depuis ce moment-là, je vis avec une souffrance atroce qui ne me quitte presque jamais. Larmes, gorge serrée, nœud à l'estomac, tremblement, angoisses, peur au moindre bruit, mal partout comme dans un état grippal, je ne sors plus sauf pour quelques courses, me satisfaisant que du plus strict nécessaire. Mon aîné, marié, 2 enfants, se tue au travail, occupe chaque minute de sa vie, profite de chaque instant. J'ai dit récemment à la sophrologue "c'est comme si mon esprit ne fait plus partie de mon corps…" Je ne me reconnais pas.
J'ai 61 ans, sans compagnon. J'ai élevé mes 2 garçons plus ou moins seule. Ils sont les plus beaux bijoux de ma triste vie. Malgré toute la bienveillance autour de moi, amis, collègues, les amis de mon fils aussi, malgré toute l'aide médicale, médecin, psy, sophrologue, art thérapeute, je n'arrive pas à faire surface. Ma vie est désormais un immense trou noir, vide de sens et d'intérêt. Je me pose toujours énormément de questions. Le pourquoi, le comment... me ronge jour et nuit!
Une prise en charge dans une clinique spécialisée a été entreprise avec ma Psy. Je ne sais pas qui pourra me soulager de cette immense souffrance ni comment je vais me sortir de ce long tunnel, noir et savonneux. Les quelques petits instants de survie où le cœur est un peu plus léger sont si rares dans mon quotidien. Il aurait fêté ses 22 ans le 6 mars prochain, entouré de ses amis comme il le faisait à chaque fois. Désormais il aura 21 ans pour toujours !!
Oh mon Dieu, je donnerais tout ce que j'ai pour pouvoir lui dire tout l'Amour que j'avais encore à lui donner, pouvoir le serrer dans mes bras,.. Ce n'est pas moi qui devrais aller dans cette clinique mais mon fils ! C'est lui qui avait besoin d'être aidé ! Majeur, le psychiatre nous a dit il y a 2 ans, juste après le COVID…: j'ai bien parlé avec votre fils, je lui ai proposé de rester 3 ou 4 jours afin de mieux faire sa connaissance et voir un éventuel traitement mais il ne veut pas. Comme il n'a pas d'envie suicidaire je ne peux pas l'obliger." Mon fils m'a regardé et secoué la tête. Sur le chemin du retour je lui ai demandé pourquoi ? Il m'a répondu : si c'est pour rester 3 ou 4 jours enfermé dans une chambre bourré de médocs, euh non merci pas pour moi ! Avait-il raison ? Merci de m'avoir lue…
Laurence