La mort d'un enfant, de notre enfant est une épreuve insoutenable, insurmontable.
Un enfant c'est... la continuité, l'accomplissement, la fierté d'une famille et, en une fraction de seconde, c'est l'anéantissement, la destruction de cette famille. On se retrouve dans un trou noir, on ne comprend pas, on n'accepte pas, on ne réalise pas, on ne veut pas réaliser...
Et on se rend compte que la terre n'arrête pas de tourner à cause de notre douleur, on se rend compte qu'il faut continuer... Pour soi... oh ! sûrement pas ! Pour les autres, oui, pour les autres, pour ceux que l'on aime et qui sont malheureux comme nous... On n'a pas le droit de les laisser sur le bord du chemin, ils n'ont rien demandé, ils n'ont pas demandé à souffrir... Nous non plus, mais nous n'avons pas eu le choix et nous n'avons pas le droit d'en rajouter aux autres enfants, à ceux qui restent, à ceux qui sont bien vivants, qui sont déjà marqués à vie par le départ de leur frère ou le départ de leur papa. Ils sont là, on les aime autant, pas plus, pas moins, que celui qui est parti... mais celui-là est parti pour toujours... les sentiments sont exacerbés.
Comment accepter que notre enfant, pendant une fraction de seconde, ait décidé de quitter cette vie, de quitter ceux qui l'aiment et ceux qu'il aime ? Comment voulez-vous qu'un papa, qu'une maman acceptent ça ? C'est inacceptable. Personne ne peut comprendre ce qui se passe dans notre cœur, dans notre corps, cette perte d'une partie de soi. Personne à moins de l'avoir vécu. Cet enfant qui a décidé de partir, nous, on veut qu'il vive, on veut continuer à le faire vivre parmi nous, on veut en parler, on a besoin d'en parler... Et à ceux qui disent " oh ! ça fait plus d'un an, il vous faut passer à autre chose... " ou " à quoi ça sert de remuer ces souvenirs... ". Pour ceux-là, nous avons des envies de meurtre, mais nous serrons les dents, les poings et ne disons rien... à quoi bon ? Ils ne peuvent pas comprendre.
Notre vie n'est plus la même, ne sera jamais plus la même. Il y a la vie avant et celle après. Celle où l'on fait semblant de vivre, celle où l'on arrive encore à rire grâce à nos autres enfants, celle où l'on fait ce que l'on doit, celle où l'on demande encore plus aux autres parce qu'on voudrait qu'au moins eux soient heureux, celle où l'on semble quelquefois injustes... Non, nous sommes simplement malheureux.
Pourtant, la vie d'avant n'était pas parfaite, elle avait ses hauts, ses bas, ses moments de bonheur et ses moments de tristesse, mais elle avait le quelque chose de plus... nous étions tous là, dans les bons comme dans les mauvais moments, nous nous serrions les coudes... nous étions une vraie famille complète. Aujourd'hui, nous sommes une famille amputée d'un membre qui ne reviendra jamais du voyage qu'il a décidé de faire dans un moment de déconnexion.
Voilà ce que c'est que de perdre un enfant , c'est souffrir tous les jours, c'est mourir un peu tous les jours, c'est faire des efforts tous les jours pour que les autres croient que l'on va mieux. C'est survivre... Pour ceux que nous aimons et qui nous aiment.
Alors, PARDON de ne plus être ceux que vous avez connus, mais nous avons perdu un enfant... de 24 ans... mais c'était et ce sera toujours notre enfant, notre petit...
De la part de la maman d'Éric, suicidé le 29 décembre 2002.
Christine
Montauban (France)