Bonjour, j'ai 43 ans et deux grands enfants. J'ai perdu mon compagnon et père de mes deux enfants il y six mois, des suites d'un cancer de la vessie métastasé dans la colonne vertébrale. Cela a été très vite... huit mois à peine de descente aux enfers fulgurante, entre le moment où il était encore en bonne santé (à ce qui semblait) et le moment où il est mort. Il a suivi une cure de chimiothérapie lourde et s'est affaibli de plus en plus, mais lui semblait ne pas s'en rendre compte tout à fait. Il a cru qu'il allait guérir, alors qu'il n'était plus qu'un fantôme terriblement amaigri.
Nous n'avons presque jamais parlé de sa mort éventuelle et peut-être que je n'ai pas été assez proche de lui et assez présente; j'étais agressive, vite irritée, peut-être me demandant quand cela allait se terminer. Je regrette de ne pas avoir été plus proche de lui. Mais il est vrai que notre relation était assez difficile, des tas de frustrations s'étaient accumulées, si bien que je lui en voulais énormément pendant sa maladie et aussi à sa mort. Je pense que je n'étais que colère.
Je crois beaucoup à la somatisation et dans son cas je pense qu'il n'exprimait pas assez ses problèmes, ses tensions, qu'il était dépressif, et que cela l'a finalement rendu malade. Les derniers jours, il ne parvenait plus à parler correctement, à trouver ses mots, les mots justes, et je lui en voulais ! J'ai cru qu'il était semi-délirant, mais à présent je pense qu'il ne parvenait plus à trouver les mots corrects pour exprimer sa pensée; cela l'humiliait profondément et je ne l'ai pas compris tout de suite...
J'ai voulu qu'il meure à la maison et j'ai pu le ramener, aidée beaucoup par ma soeur et ma famille qui ont trouvé finalement un service d'aide aux malades. Mais il aurait voulu rentrer plus tôt; j'ai refusé car il était dans un état d'extrême faiblesse et je n'avais pas encore trouvé ce jour-là de services d'aide à domicile. Il me l'a reproché, ne se rendant pas compte de son état, du fait qu'il ne tenait plus debout, qu'il était gravement déshydraté.
À la maison il a peu repris conscience, m'a dit au revoir, « Je meurs », on s'est embrassé mais à ce moment-là je ne pensais pas qu'il allait mourir si vite que je ne pourrais plus lui parler... Et puis le lendemain, il n'a plus repris conscience. Je me suis rendue compte que sa respiration s'affolait, je me suis approchée et il est mort lorsque je lui tenais la main, sans rouvrir les yeux, sans reprendre conscience... Je regrette de ne pas être restée assise près de lui toute la nuit; j'ai seulement dormi tout près, dans la même pièce mais c'est une garde malade qui l'a veillé.
Sa mort a complètement cassé ma vie; jamais je n'ai cru que cela pourrait nous arriver. Se dire que l'on n'aura plus de projets ensemble, que l'on ne sera plus deux, que l'on ne passera jamais plus de bons moments ensemble, c'est dur. Il y a un grand vide dans ma vie. J'ai l'impression de me retrouver adolescente avec une vie à construire, mais avec 30 ans de plus...
Heureusement j'ai commencé, il y a quelques mois, une thérapie de soutien; j'ai pu évacuer toute ma colère et laisser la place à l'amour. Mais j'ai encore de la peine, à certains moments, à croire qu'il est mort. Tout dans la maison me le rappelle. Et puis il y la solitude; que vais-je devenir ? Vais-je un jour retrouver un compagnon ? On parle peu de ces questions, mais je pense qu'elles viennent à l'esprit des veufs et veuves.
Écrivez-moi si cela vous dit, je lirais volontiers vos courriers.
Anne
Bruxelles (Belgique)