J'ai perdu ma petite sœur, il y aura 6 ans en mai, d'une leucémie. Près de deux ans à se battre... Des traitements difficiles, un greffe de moelle pour laquelle j'étais donneuse. Deux mois en chambre stérile, puis un retour à la maison, avec beaucoup d'espoir... et peu de tranquillité pour elle. Entre janvier et mai, elle n'a passé que 5 jours sans être obligée de voir un médecin. Je ne l'ai pas quittée pendant tous ces mois. Mon mari et mes enfants se sont débrouillés seuls, j'ai de la chance de les avoir. Le pire, pire que la souffrance physique, est que Carole a été abandonnée par nos trois grand frères et sœurs. L'une d'entre eux était compatible et n'est même pas venue passer les examens pré-greffe. Carole et moi avons ressenti une énorme colère. Nous vivions toutes les deux dans l'illusion que notre famille nombreuse était un cocon protecteur.
Son état de santé s'est brutalement aggravé, elle est tombée dans le coma. Elle n'a fait qu'un bref retour parmi nous, elle pouvait juste bouger un peu ses paupières. J'ai compris alors qu'elle était venue nous dire au revoir. Je lui ai parlé, je lui ai dit qu'elle pouvait choisir de partir si elle n'en pouvait vraiment plus. Elle est retombée dans le coma... Et je ne l'ai plus quittée jusqu'à la fin.
Je me suis ensuite sentie comme une étrangère dans ma vie. Je me demandais ce que je faisais chez moi, je n'y trouvais plus mes marques. Préparer un repas pour les miens était une terrible épreuve.
Le pire était de ne pas pouvoir raconter tout ça. À part mon mari, personne ne comprenait. Parler de son deuil est nécessaire, mais tout le monde fuit ce genre de discussion ! Les gens ont peur de la mort. J'avais envie de mourir, pour être encore avec elle, partager quelque chose avec elle, comme nous partagions nos vêtements... Mais je ne suis pas suicidaire, et ma famille avait besoin de moi.
Il faut aussi parler de la colère qu'on ressent contre le monde entier. Ça ne va mieux que quand la colère commence à passer, il m'a fallu 5 ans.
Tout n'est pas fini, il y a encore des moments difficiles, et elle me manquera toujours autant. Le chagrin s'apprivoise, mais il ne s'atténue pas.
Bon courage à tout ceux qui vivent le deuil, il faut aller au bout, et laisser s'exprimer ses sentiments.
Évelyne
(France)