Je viens de lire attentivement tous vos témoignages, et me voilà un peu rassurée. Je ne suis pas seule, d'autres pensent et vivent la même chose que moi. Je voulais vous parler de mon Doudou. Il est décédé le 4 septembre dernier. Il venait d'avoir 30 ans... Pendant dix ans, nous fûmes heureux et amoureux. Nous étions jeunes. Nous pensions que nous avions la vie devant nous. Tu parles ! Nous nous étions enfin décidés pour passer devant le maire ... Nous voulions des enfants pour remplir notre maison, bien trop grande pour moi toute seule, maintenant.
Nous étions en vacances. Petite halte en voiture, parce qu'un guide décrivait « Trois belles cascades ». Nous voilà sacs à dos aux dos, appareils photo en bandoulière, trépied à la main, chaussures de marche aux pieds, prêts à marcher des heures pour voir ces beautés. C'est vrai. C'est beau.
Alors, évidemment, Doudou n'a pas résisté. Installation du trépied pour pouvoir faire LA photo du siècle. Un pas de trop et voilà SA cascade, à lui. La marche était haute (5 mètres) et en bas, au lieu de tomber dans l'eau, il a d'abord rencontré les rochers. Lorsque j'ai réussi à le retrouver, il gisait la tête sous l'eau. Avec mes hurlements, il a « repris connaissance » une demie-seconde, m'a poussée et a coulé à pic... Impossible de le retrouver sous cette eau trouble. Il ne remonte pas...
Évidemment, dans les montagnes, le portable ne fonctionne pas. Les secours sont loin. Et puis, quels secours ? Il était défiguré, cassé de partout... Aurait-ce été une vie pour lui, si on avait pu le sauver ? Les pompiers et les hommes-grenouilles ont mis cinq heures à le retrouver.
Quand je repense à l'accident, j'ai l'impression que cela a duré des heures. Je revois tout au ralenti. D'ailleurs, j'ai l'impression de vivre au ralenti depuis. Pour moi, il s'est tout au plus passé un mois... Non ?! ONZE !!! C'est interminable, c'est si proche...
Toutes ces questions qui me hantent, tout le temps, toujours les mêmes, lancinantes, et cet état d'esprit... Je passe mon temps à penser tout et son contraire. Malgré sa disparition sous mes yeux, je n'y crois toujours pas. Ce n'est pas possible. Il est juste parti pour son boulot et va rentrer, j'ai l'habitude de ses absences.
Il est mort... mais non. Il est juste au-dessus de moi... mais non, il n'y a rien. Alors, je cherche des réponses, de l'aide. Les réponses, je les ai déjà, mais ne je ne veux pas les écouter. Je veux croire, pour la première fois de ma vie, à une vie après la mort. Ça fait du bien, ça rassure.
Je me sens affreuse. Moi qui était une vraie pleureuse... Et là, pas une larme... Je voudrais tellement pleurer. Ne pas en arriver à une réflexion du genre de celle de ma belle-sœur : « de toute façon, il n'y a que nous de tristes. Ma vie, oui, elle s'est effondrée, pas la tienne » (!).
Voilà un condensé de mes pensées. Je crois que je cherche à vider mon cœur et j'espère ne pas alourdir le vôtre... Peut-être pourrais-je pleurer, après...
Totoche
Paris (France)