Lorsque survient le décès d'un être cher, la douleur qui nous assaille est intolérable : on a du mal à affronter cette impossible blessure. La perte d'un proche génère un vide immense qui se remplit de larmes, de questionnements, d'angoisses. Cette mort d'une personne que nous aimions nous confronte à celle de tous les êtres humains, et, inévitablement, à la nôtre.
Dans ces conditions, on peut comprendre que le vivant soit désemparé devant le corps du défunt : cette dépouille mortelle qui, cruellement, rappelle que l'âme a quitté le corps. Mais cette évidence a pour effet de le confronter à son deuil, de dénouer sa gorge et de laisser sa peine s'exprimer. Car pour revivre après un deuil, l'endeuillé n'a d'autre solution que de laisser la place à cette peine, à cet intolérable état de vide.
Le déni étant la première phase du deuil, c'est d'abord elle qu'il faut traverser pour renaître après cette grande douleur. La présence du corps dans les rites funéraires est positive en ce sens qu'elle permet aux endeuillés de voir la vérité en face, aussi douloureuse soit-elle. C'est la première étape d'une longue route vers l'issue positive du deuil.
Notre société moderne a perdu la familiarité que nos ancêtres entretenaient avec la mort et les défunts. Avec la disparition du rite funéraire qu'était la veillée mortuaire, on a laissé disparaître l'importance accordée au corps du défunt. Les rituels qui, traditionnellement, visaient à aider le défunt à accéder à sa nouvelle existence sont de moins en moins fréquents à notre époque.
Aujourd'hui, il n'est pas rare que l'on dispose rapidement de la dépouille en espérant faciliter le deuil des survivants. Pourtant, cette façon de faire provoque peut-être l'effet contraire de celui escompté. En effet, lorsque l'on acceptait de parer la dépouille du défunt, de la veiller et de prier pour le salut de son âme, c'est dans son propre deuil que l'on acceptait d'entrer.
Il est certes difficile et extrêmement douloureux pour les proches de voir et de toucher le corps sans vie d'un conjoint, d'un parent, d'un enfant. C'est une étape bouleversante que nul ne peut traverser sans heurts. La présence des personnes significatives dans la vie des endeuillés est bien sûr un support infini.
Ces importants rassemblements permettent aux endeuillés de prendre la parole, de créer des liens autour du défunt. Ces liens tissés serrés font en sorte que les endeuillés ne forment qu'un seul corps, tourné vers la même douleur et vers le même destin : celui des mortels devant la fragilité de la vie.
Accepter d'inclure le corps du défunt à la cérémonie funéraire, c'est accepter de regarder en face sa douleur. Pour réapprendre à vivre, on saisit alors l'occasion de regarder la mort de près. Ce rituel est une escale précieuse vers une acceptation de son deuil et, ultimement, vers une acceptation de sa propre mort.
Dernièrement, ma mère est décédée et je suis restée avec elle 6 heures après sa mort. J'avais besoin d'être présente à ses cotés, un des moments les plus grands de ma vie. Chacun vit son deuil à sa façon, toute ma vie, maman était présente pour moi.
Il y a maintenant près de 2 ans, j'ai perdu mes deux soeurs et mon conjoint en l'espace de 11 mois.
Je n'ai pas retrouvé de sens à ma vie...
Je ne vis plus, j'existe !!!!!!!
Ma soeur Ginette était venue nous rejoindre dans la chambre de ma mère: un lieu qui favorisait une fin de vie superbe. Lorsqu'elle est arrivée, je suis parti faire mon quart de travail sachant que ma mère se portait bien et que je pouvais revenir sans problème. Mais Ginette m'a appelé trois heures après mon départ en disant de revenir. Lorsque je suis arrivé, elle était étendue sur son lit, encore toute chaude. Alors, je me suis mis à pleurer, à lui parler, de lui dire que je l'aimerais toujours, que j'étais déçu d'être arrivé en retard car j'aurais aimé lui dire là. Après cet épisode, ma soeur est revenue dans la chambre pour me dire comment notre mère a passé son dernier moment: elle s'est levée de sa chaise berçante et elle s'est allongée sur le lit; elle a levé son bras droit dans les airs et elle est morte. Cela m'a fait rappeler l'histoire qu'Henri Nouwen raconte dans un de ses livres au sujet du rôle de chacun lors d'un show de trapèze entre un catcher et un flyer. C'est le catcher qui fait tout le travail et le flyer doit avoir complètement confiance au catcher. Bien à vous et merci de votre collaboration.
Je suis une personne vivante qui aime la vie, je veux que mes proches et ceux qui m'ont connue gardent de moi ce souvenir, pas celui de me voir dans une tombe. Ils connaissent mes volontés. Mon arbre est planté sur un terrain familial, et mes cendres seront au pied de cet arbre avec ceux qui restent vivants et qu'on s'est aimés vraiment.
Pour ma part, j'ai besoin de voir, j'ai besoin de savoir que cet être cher est en sécurité, est entouré des personnes qu'il a aimé. J'ai besoin d'être là lorsque le cercueil se ferme, j'ai besoin de savoir qu'il est bien là à l'intérieur.. J'ai besoin d'être là lorsque la terre le recouvre. J'ai besoin.
Monique D'Aoust Nagy, 13 juin 2016