J'avais une fille, elle s'appelait Virginie, elle était très belle, intelligente, tout pour elle, elle avait 29 ans. Elle était venue m'aider dans ma petite entreprise qui allait très mal. Elle a tout préparé pour le dépôt de bilan et que l'affaire continue, et le 28 Février 1995, nous étions chez l'avocat. Il lui parlait, il l'aimait beaucoup. Tout à coup, il lui a posé une question; lui a vu son visage changer, moi j'étais assise à côté. Elle s'est levée en titubant, en disant je vais aller au toilette, et elle s'est écroulée dans mes bras. Je l'ai allongée par terre, j'ai demandé les pompiers, ils sont venus très vite, il ne savaient pas ce qui se passait. Moi je lui parlais « Virginie, Virginie reviens c'est Maman ». Elle m'a répondu. Je lui est dit « cela va mieux, ma chérie » elle m'a dit « oui », et dans l'instant suivant elle a crié « ma tête, ma tête ».
J'ai ressenti une grande douleur. Le Samu est venu, nous sommes partis à l'hôpital où ils m'ont fait ma première piqûre de valium, pendant qu'à elle, il lui faisait un scanner. Le médecin est venu vers moi, je lui ai crié « ne me mentez pas, je sais ». Il m'a répondu « on va l'emmener en hélicoptère pour tout tenter ».
Ma sœur est arrivée, nous sommes partis pour un grand hôpital parisien. Là, nous avons retrouvé le compagnon de Virginie, ses parents, les 2 meilleurs amies de ma fille. Un médecin réanimateur est venu nous dire d'attendre 1 heure. Moi, je savais que c'était fini, mais les autres espéraient. Et puis, le même médecin est venu, il a dit « venez lui dire adieu, c'est fini » et là, je n'oublierai jamais le hurlement de son compagnon. Ils m'ont fait ma 2e piqûre de valium . Ils nous ont dit « on va la descendre dans le service d'ultime réanimation » et là, une infirmière est venue me voir, elle m'a demandé si j'étais d'accord pour un Don d'organes, j'ai répondu « oui, mais il faut demander à son compagnon ». Il a dit oui, et là, nous avons subi la colère de ses 2 amies, qui pensaient en la voyant respirer, son corps chaud et sa respiration, qu'elle était encore vivante, et que par notre décision, nous la condamnions, c'est dur, très dur.
Pendant 11 ans 1/2, j'ai témoigné pour l'importance du Don, maintenant je vais arrêter. J'ai toujours eu la sensation que c'était Elle qui avait pris la décision et que j'avais une mission, témoigner. Je l'ai fait et au fil du temps, j'ai su le nombre de personnes greffées, qu'ils étaient en bonne santé, et je me suis dit qu'ils ont peut-être donné la vie depuis, et que je suis la grand-mère de petits enfants que je ne connaîtrais jamais, qui n'ont pas mon ADN, mais qui sont nés grâce aux organes de Virginie. C'est une grande chaîne d'amour, et elle qui voulait reprendre ses études de médecine, pour soigner, non seulement elle a soigné, mais grâce à ses organes, des vies ont été sauvées.
J'ai aidé une de ses meilleures amies à partir, elle est décédée d'une leucémie à 34 ans et je n'ai jamais fait de transfert. Ma fille est toujours là, près de moi, en moi. Elle est venue à plusieurs reprises me dire qu'elle était heureuse, j'ai eu beaucoup de mal à le croire, mais maintenant je ne doute plus, je sais que la mort n'est pas une fin et qu'un jour je la retrouverai.
Christiane
Bagnolet (France)