Bonjour à tous ; merci infiniment d'offrir cet espace d'échanges concernant le deuil. Peut-être devrais-je rejoindre un groupe de soutien, mais mon cas est un peu particulier. Peut-être serais-je décalé par rapport aux autres.
Il s'agit d'un deuil interminable. Un deuil d'enfance. Les faits remontent aussi loin que 24 ans en avant, en 1982. J'avais alors 9 ans. J'avais alors une tante très belle, qui était aussi ma marraine. Une personne semble-t-il très sensible, fragile. Elle se suicide à un âge qui semble être de 27-28 ans, après plusieurs tentative, en sautant du 11e étage de son appartement à Besançon.
Les détails sont lourds, mais il semble que je les exprime (et assume) pour la première fois de cette manière, et cela semble être bon.
À l'époque je n'assiste pas à son enterrement. On me raconte une histoire d'accident de voiture (je rappelle que je suis un enfant à l'époque). Il s'avère qu'ayant effectué un long travail sur moi-même en thérapie, j'ai découvert que cette histoire, qui a toujours été tabou dans toute ma famille et l'a probablement aussi fait éclater, m'a très profondément affecté, et a fini par occuper une place très très importante dans mon psychisme.
Lorsque je retourne à la montagne, où toute l'histoire a eu lieu, j'ai toujours ressenti un malaise. En réalité je me rends compte que je retombe en état de deuil de plus en plus fort. Et ce sans que je m'y attende. La thérapie m'a « ouvert » et permet à la souffrance refoulée profondément de revenir.
Aujourd'hui même je reviens de la montagne, et je me trouve en état de deuil, tout comme si je venais à peu près de perdre ma tante, alors que les faits ont 24 ans. Je me sens bouleversé et je sais que ma vie va encore changer profondément à cause de cela.
J'ai peu de souvenirs de ma tante. C'était quelqu'un d'effacé. Des souvenirs assez sensuels d'une très belle femme qui s'occupe très bien de moi... un genre d'amour d'enfant... je me demande même si je ne trouvais pas plus de douceur avec elle qu'avec ma propre mère... Quelques images de plage me reviennent... de la tendresse. Cela ne me reviens que 24 ans après les faits, seulement maintenant.
J'ai même pu ressentir une certaine culpabilité après sa disparition, moi un enfant de 9 ans à l'époque... On a tendance à cet âge-là à rapporter beaucoup de choses à soi...
Deuil donc interminable, sujet complètement tabou dans une famille qui n'as pas « réglé » cette histoire, famille souvent pétrie de culpabilité... J'ai été immensément surpris de voir que le suicide dans la province française est parfois une honte pour certaines personnes de la famille.
J'aimerai me délivrer de cette histoire, 24 ans après. Dire adieu à ma tante à jamais. Lui dire que je l'aimais, et qu'elle a été pour moi un très grand refuge de tendresse. Lui dire que je n'oublierai jamais son souvenir.
Mathieu
Paris (France)