Déjà, enceinte, je voulais " mon gars "... - Vos textes | La Gentiane - Deuil - Entraide
 

Déjà, enceinte, je voulais " mon gars "...

Déjà, enceinte, je voulais " mon gars "...

Déjà, enceinte, je voulais " mon gars ", je ne savais pas le sexe du bébé, c'était une surprise dans ce temps-là... Quand le docteur me l'a laissé dans les bras, j'ai aussi prononcé ces mots : " mon gars ". À 18 mois, Guillaume a fait des convulsions, j'ai failli perdre " mon gars ". J'ai bien cru qu'il allait abdiquer déjà, si jeune ! J'ai prié et j'ai sûrement fait le " deal " du siècle et j'ai gardé " mon gars ".     À la garderie, Guillaume est déjà le petit missionnaire, et tous les petits bébés sont consolés par " mon gars ". Je suis très fière, il est adorable, taquin, mignon, rigolo et a le sens de l'humour de sa mère.

À 5 ans, Guillaume décide d'aller rester avec son père. Il fera ses études en école privée à Marie-Clarac à Montréal-Nord pour tout son primaire. Aahhh, " mon gars " !

11 ans, Guillaume doit revenir vivre avec moi, dans mon chemin de vie. Je suis en route pour Rawdon, beau village touristique et rural de la belle région de Lanaudière. " Mon gars " fera son secondaire en école publique et à la campagne et en pleine adolescence. Aimes-tu ça, Guillaume ? Il adore.

C'est un bohème, " mon gars ", un artiste et un campagnard, pas mal plus que moi. Il aime le folklore québécois, Paul Piché, La Vesse du loup, etc., etc. Il baigne dans la musique et joue de la guitare. Il contourne les Gun's and Roses et fuit les amis qui fument (cigarettes et pot), c'est-y pas merveilleux, " mon gars " ?

Il est si minoucheux, cajoleux, affectueux... mais il n'est quand même pas parlable le matin ! coudon, est-ce-que vous vous attendiez à un saint ?

Il n'aime pas étudier, il adore l'école. Vous ne comprenez pas ? Je vous explique : pour Guillaume, l'école est un club social, il y va pour rencontrer ses amis. Au moins, il ne décroche pas et il est présent à ses cours. Ses profs ne cessent de me le répéter : " Guillaume coule ses maths mais il est tellement... le fun, gentil, fin, généreux, sympathique, serviable, souriant et amical. Que voulez vous de plus ??? " Comment voulez-vous ne pas l'aimer !

À 18 ans, il retourne chez son père à Laval ; il travaille dans un dépanneur, et il est comme un poisson dans l'eau. Il aime le public et son public l'aime. Il est patient et il aime rendre service aux personnes âgées en particulier. Mais Guillaume n'a pas d'ambition, il aime tout, mais ne concrétise rien sans l'aide de ses amis. Besoin d'un ami pour sortir, besoin d'un ami pour travailler, besoin d'un ami pour faire n'importe quoi, il attend qu'un ami le fasse ou y aille avec lui.

Qu'est-ce qui a mal tourné chez lui ?

La journée de son départ, il avait eu des difficultés à son travail (rien de catastrophique à ce qu'on m'a dit par la suite). Une chicane avec sa petite blonde, peut-être même une rupture. Après la promesse de revenir regarder une émission de télé avec sa blonde, il part voir une copine pour jaser un peu. Il part de chez cette copine vers minuit, en disant qu'il peut maintenant aller se coucher. Ce n'est pas ce qu'il fait, il téléphone plutôt à son chum de Rawdon, un de ses meilleurs amis, pour lui demander de venir le chercher à Terrebonne, car il aimerait parler. Cet ami se rend à Terrebonne pour s'apercevoir que Guillaume n'est pas là. Guillaume s'est payé un taxi jusqu'à Ste-Julienne, petit village plus au nord et voisin de Rawdon. Dans un bar de danseuses, Guillaume s'arrête et prend une boisson gazeuse ! Il demande le téléphone pour aviser le père de cet ami qu'il est rendu tout près et il lui demande la permission de se rendre et d'attendre le retour de son ami. Le père accepte de recevoir Guillaume, même s'il est déjà 2h30 du matin. Guillaume n'arrivera jamais chez son ami.

Que s'est-il passé pendant le parcours à pied entre le bar et l'ami ? C'est le 1er mars, il fait froid, la neige et la pluie entremêlées... Le papa a attendu Guillaume, son fils est revenu, ils se sont inquiétés toute la nuit, l'ami de Guillaume a fait l'aller-retour sur la 125, de 3h à 6h du matin, en regardant et cherchant Guillaume dans tous les fossés. Peine perdue, aucune trace de Guillaume. Recherche de police, on le retrouve trois jours plus tard, tout espoir est disparu, le pire est arrivé.

Je crois que Guillaume ne voulait plus ou ne pouvait plus retourner vivre chez son père. Il ne pouvait pas non plus revenir avec moi à la campagne. S'il croyait avoir perdu son travail et sa blonde, que faire ? Trop de questions et pas de réponses. Ah oui, " mon gars " a trouvé une solution, il a trouvé sa réponse, " EN FINIR " !

Guillaume a vécu plusieurs décès par suicide et par violence dans son entourage, autant à Rawdon qu'à Laval. Il a vu ses amis choisir le suicide, il a vu ses amis se faire blesser et tuer par des gestes de violence gratuits. Il avait de la difficulté à passer au travers tous ces (ses) deuils-là.

9 mars 1980---1er mars 2002

Funérailles : 9 mars 2002

Salut " mon gars "

Louise
Crabtree (Québec)

Classé dans : Témoignages Publié par : La Gentiane - Deuil - Entraide Date : 11 février 2004