La dernière fois que j'ai vu mon papa, c'était le 21 mai 2003. Deux jours plus tard, il décide de mettre fin à ses jours... Mon papa est né en 1953. il est mort à 50 ans... Apparemment, l'amour de ses trois enfants, de sa copine et de sa famille ne lui ont pas suffi...
Il travaillait énormément. D'ailleurs, étant petite, je me souviens d'un papa très absent, toujours occupé, qu'il ne fallait pas déranger. Papa était fort (enfin c'est comme ça que je le voyais !!), c'était quelqu'un qui aimait la vie par-dessus tout, et qui se battait malgré l'échec de son mariage... et les difficultés de la vie. Par contre il ne comprenait pas les gens dépressifs. Pour lui, ces gens ne faisaient pas d'effort et se laissaient aller... Il a dit ça jusqu'au jour où il est tombé lui-même dans la dépression. Je me souviens qu'il m'a dit : « Céline, je comprends maintenant ce que c'est, c'est dur si tu savais... »
En grandissant, surtout après le divorce de mes parents (en 2000), je me suis rapprochée de lui. J'ai appris à le connaître, à parler avec lui. Même si j'ai dû attendre mes 16 ans avant de pouvoir me rapprocher de lui, j'en suis la plus heureuse d'avoir pu être avec lui pendant ces 3 dernières années de sa vie. Quand il est devenu dépressif, au début il prenait des médicaments et consultait des médecins. Je me disais que tout irait bien, puisqu'il se prenait en main... Mais de jour en jour ça empirait, il me racontait qu'il ne dormait plus les nuits, qu'il se sentait bon à rien, qu'il n'était pas un bon père pour moi et mes frères... Enfin j'avais beau lui dire qu'il était mon papa, et que je l'aimais et qu'il avait été un bon père... ça ne servit à rien...
À la fin, je suis vraiment devenue la confidente de mon père. Il me racontait ses craintes, ses peurs par rapport à la vie future, mais jamais il ne m'a parlé de la mort, sauf une fois... Deux jours avant sa mort, il m'a demandé si je croyais à la vie après la mort, et ma réponse fut: « Bien sûr que j'y crois, je suis certaine que les morts restent près de leurs proches. » Et là, il m'a répondu qu'il n'y croyait pas trop, que l'on ne pouvait pas savoir, mais que ça serait bien comme ça. Pour moi c'était une conversation comme une autre. Si j'avais pu savoir, pu faire quoi que ce soit... Si j'avais pu le sauver...
Ce 21 mai, quand papa me déposa chez ma mère après notre journée ensemble, je suis certaine qu'il savait qu'on ne se reverrait plus... sa façon de me dire au revoir, j'en ai encore des frissons... Il m'a dit au revoir comme s'il partait pour un long voyage, il m'a regardé pendant quelques minutes, puis après je me souviens lui avoir demandé s'il allait bien, je lui ai dit : « On se voit samedi papa ! » Et là j'ai fermé la porte. Même pas 10 secondes plus tard mon gsm sonne, c'est mon papa, je décroche... Il me remercie et me dit qu'il comprends que ça ne doit pas être facile pour moi, car normalement c'est les parents qui aident les enfants, et pour moi c'est le rôle inverse, mais je lui ai répondu que c'était avec plaisir que je le faisais, car j'aimais passer du temps avec lui et que c'était tout à fait normal qu'une fille aide son père.
Un peu avant minuit le 23 mai 2003, on retrouva mon père pendu... C'est son frère qui l'a trouvé avec les policiers et le serrurier. Cette soirée, je me souviendrai toute ma vie... Mais le plus dur c'est de vivre sans lui, car maintenant, quand je me sens pas bien, il n'est plus là, il n'a pas pensé au mal qu'il nous fera...
Papa tu me manques... STP mon petit papa, quand je dors vient me dire un petit coucou, fais-moi un signe pour que je puisse encore te sentir près de moi. On t'aime et on t'oubliera jamais.
Ta fille Céline
Hainaut (Belgique)