Perdre quelqu'un que nous aimons est une grande leçon de courage et d'amour. C'est ce que je viens de vivre avec le décès de ma mère, à Calgary, survenu le 11 juillet 2000. C'est une leçon à la fois difficile, triste et irréelle. Difficile parce que cela afflige tout le monde : mon père, mes frères et sœurs qui restent, parents et amis de près ou de loin et moi-même personnellement. Triste parce que ma sœur d'Australie et mes frères du Vietnam ainsi que d'autres parents proches de ma mère, son frère du Vietnam et sa sœur de France n'ont pu venir pour diverses raisons. Irréelle parce que cela se passe en plein été par de belles journées ensoleillées où le monde est en pleines vacances dans la joie et la gaieté et que le drame de la mort est complètement étranger et loin dans la pensée des vacanciers.
C'est extrêmement difficile d'accepter la mort de quelqu'un de très proche qu'on aime comme ma mère même si on s'y attendait. À plus forte raison pour ceux et celles qui ne s'y attendaient pas, le choc est très violent et c'est très souffrant. Il n'y a rien à dire et rien à faire dans ces situations de deuil sinon prier et méditer pour ceux et celles qu'on aime. C'est ce que nous tous avons fait pour ma mère et continuons à le faire. C'est là que notre foi en Dieu est mise à l'épreuve. Que nous croyions en Dieu ou non, c'est le test suprême de la sérénité. Nous sommes impuissants devant la mort et notre douleur est d'autant profonde que le lien qui nous unit à ceux et celles qu'on aime est fort.
J'aime ma mère profondément et je la remercie pour tous les sacrifices, le dévouement et pour l'Amour qu'elle nous a prodigué toute sa vie. Écrire ces lignes est une façon pour moi de lui dire Merci. Merci maman de nous aimer et de s'occuper de nous. Et je sais maintenant au plus profond de moi-même que l'Amour d'une mère pour ses enfants est ce qui se rapproche le plus de l'Amour inconditionnel. Ma mère était la preuve vivante d'une vie orientée vers la spiritualité, l'Amour et la Compassion ainsi que le service à la Communauté. Car à la messe pour les obsèques, huit prêtres vietnamiens dont un canadien ont tenu à lui rendre hommage en célébrant la messe ensemble.
La mort de nos proches nous fait prendre conscience de notre fragilité, notre misère intérieure et notre manque d'amour. Nous pouvons pleurer, crier notre peine ou hurler de douleur, cela ne change pas la réalité des choses. La vie donne et reprend, cela fait partie de notre destinée humaine. Le jour où nous sommes nés tout le monde est joyeux et le jour où nous mourrons tout le monde est triste. Pourquoi en est-il ainsi ?
Nous ne pouvons changer les événements de la vie ou de la mort ou retarder le départ terrestre de quelqu'un que nous aimons. Mais nous pouvons changer notre façon de voir les choses. Et cela nous aide énormément lors du décès de nos proches.
Nous pouvons choisir en toute liberté de voir la mort de quelqu'un que nous chérissons soit avec les yeux de la peur c'est-à-dire de la peine, de la révolte, de la colère, du blâme ou de l'injustice et prolonger inutilement notre souffrance ; soit avec les yeux de l'Amour c'est-à-dire de l'acceptation, du pardon ou du lâcher-prise et diminuer notre douleur.
Le jour de mon départ à Québec, j'étais tout seul à l'aéroport de Calgary. Chaque fois que je pensais à ma mère, les larmes venaient toutes seules. L'aéroport, qui était très beau, me semblait tout à coup grand et triste. Car ce ne serait plus jamais pareil comme avant. Je ne savais pas que la fois où ma mère me conduisait à l'aéroport était la dernière fois que je la voyais vivante. C'était il n'y avait pas si longtemps de ça. Je n'oublierai jamais cette scène. Ses yeux tristes et lointains me suivaient jusqu'à la porte de vérification de sécurité et semblaient me dire : « Adieu mon fils bien-aimé, que Dieu t'accompagne maintenant tout le long de ta vie ». Ma mère décéda quelques jours après... Et maintenant à l'aéroport, tout seul en attendant l'avion, ma pensée me ramenait vers le passé. Mon cœur était bouleversé et les larmes affluaient de nouveau... À ce moment-là, pour sortir de cette tristesse insondable, je tournais résolument ma pensée et mon cœur vers Dieu : « Dieu est Amour et Bonheur et ceci n'est pas Sa Volonté ». Alors, il se produisait quelque chose d'extraordinaire. Un Amour irrésistible m'enveloppait et inondait mon cœur. En même temps, je me sentais aspiré au sommet de la tête. Je me sentais léger et heureux...
Et dans l'avion qui me ramenait de Calgary à Québec, mon cœur était en paix car j'ai choisi la Joie au lieu de la souffrance. Je sais que maintenant où que j'aille Dieu m'accompagne. C'est pourquoi il n'y a pas de perte car seul l'Amour existe... La mort de ma mère bien-aimée m'a appris une très grande leçon de compassion : Aimer c'est pardonner, c'est laisser aller en paix ceux et celles que nous aimons, c'est se pardonner à soi-même et mutuellement...
Long Le van
Saint-Nicolas (Québec)