Si je devais résumer ma vie, le sujet principal reste et restera la mort. Elle m'habite depuis que je suis enfant et se pose comme une voile qui m'empêche de respirer et de voir la vie. Lorsque j'avais 9 ans, mon père s'est suicidé et je crois qu'aujourd'hui j'en souffre plus que tout. Je suis pourtant une femme et une mère mais sa présence reste vide... Ma sœur est morte elle aussi, j'avais 13 ans et j'ai mis de nombreuses années avant de pouvoir m'en remettre. Ensuite il y a eu mon oncle, qui s'est suicidé aussi, j'avais 18 ans. Et il y a eu le dernier, mon cousin âgé de trois semaines, j'avais 22 ans.
Toutes ces morts restent du même côté de famille, celui de ma mère. Je n'arrive pas à vivre aujourd'hui, je reste là, présente et absente en même temps. Meurtrie par leurs absences et le vide qui ne cesse de grandir. La vie continue, c'est sûr, mais difficilement, car je dois lutter continuellement contre ces angoisses nocturnes qui me rongent et m'abîment.
J'ai l'air d'une fille bien vivante, qui sourit et qui aime la vie. Mais à l'intérieur c'est lourd, très lourd à porter. J'évacue par des textes que j'écris, ça soulage ou m'enfonce, je sais pas, car aujourd'hui je ne connais pas la solution pour vivre avec et non hors du temps.
Je n'aime pas parler de mon malheur, car j'en ai honte, car tant de gens souffrent bien plus que moi. Alors je reste silencieuse, dans mon monde. Je vis avec leurs fantômes qui hantent ma vie, mon avenir, mais c'est comme ça. J'ai appris.
Je voudrais pouvoir parler à des personnes qui ont vécu une histoire assez similaire, où les morts se succèdent. Où l'on vit avec la peur au ventre de croire que les gens qu'on aime, un jour, s'en iront...
Vicky
Villerupt (France)