C'est avec beaucoup d'émotion que j'écris cette lettre. Depuis 1994, j'ai perdu quatre êtres chers par suicide. Trois de ma famille et une grande amie d'enfance. Vous savez, je crois que les suicidés emportent avec eux des secrets que nous ne connaîtrons jamais. Je crois également que leurs souffrances sont comme un gouffre dans lequel ils se sont engloutis... En tout cas pour moi, il est clair que choisir de mourir de cette façon est une question de souffrance intérieure que personne ne peut mesurer, sauf eux. Nos gamins intérieurs savent mieux que quiconque ce qui nous fait si mal...
Pour ma part, à chaque départ ce fut comme une partie de moi qui s'en allait. Un deuil se terminait pour faire place à un autre... Inutile de vous exprimer que les étapes du deuil, je les ai vécues de façon répétitive... Sans mes convictions spirituelles profondes et sans ma foi, je n'aurais jamais pu m'en sortir.
Sans le savoir, la vie avait commencé à me préparer à vivre toutes ces grandes souffrances en commençant par mon deuil de divorce deux ans avant que le premier de ces quatre drames n'arrivent. J'ai passé par toutes les émotions : déni, colère, culpabilité, marchandage avec Dieu et ses acolytes pour aboutir à la profonde peine, les larmes et l'évidence de la réalité pure et dure... Malgré tout je considère que la vie comporte encore ses beautés et je suis heureuse que chez moi la question du suicide soit à jamais résolue.
Vous savez, je choisis de croire qu'il existe d'autres choix devant l'adversité et la souffrance et je travaille à garder cette notion bien présente dans mon esprit chaque jour.
À tous ces êtres, je sais que nous ne sommes séparés que physiquement, corporellement, et que tôt ou tard nous serons à nouveau réunis là ou la mort ne pourra plus nous imposer sa présence.
Gate
Sherbrooke (Québec)