C'était le 2 août 2002... - Vos textes | La Gentiane - Deuil - Entraide
 

C'était le 2 août 2002...

C'était le 2 août 2002...

C'était le 2 août 2002... C'est si dur d'en parler lorsque l'on fait tout pour oublier... sa peine, bien sûr !     Trois semaines que l'on avait emménagé dans une maison dont on rêvait après des années en HLM. Le chien dont il rêvait venait d'arriver dans notre foyer. Il faisait beau, c'était les vacances. On était si bien, si heureux.

Puis, des gémissements dans la cuisines... Florian gît là sur le sol à demi dans le coma. Qu'est-ce qu'il a ?? Pourquoi souffre t-il ? Que s'est-il passé ? De toutes façons, c'est grave ! Mon instinct de mère me le dit, il faut agir, mais que faire ? Vite appelle les pompiers, dépêche-toi !!! Et Florian qui reprend vaguement conscience après que je l'aie secoué comme un prunier pour qu'il ne s'éloigne pas comme je le sens. Il me montre son ventre, il n'a rien... Pourquoi ne parle t-il pas ? Parle, Florian ! Dis à maman ce qu'il y a ! Je t'en prie reviens vers moi ! Et il a parlé... Trois fois il m'a dit « J'veux pas mourir maman ! » Mais pourquoi tu mourrais, mon amour ? J'te jure que tu vas pas mourir ! Je l'ai juré... et il est mort quand même !!!

Avant l'arrivée des pompiers on l'a vu : un des poteaux de béton qui tenait le fil à linge était là par terre. Il a dû tomber sur lui. On ne sait pas, seul le chien sait ce qui s'est vraiment passé ! Alors on se doute. Depuis trois semaines, il joue à se suspendre au fil à linge... Depuis trois semaines on l'en empêche... Mais c'est difficile de canaliser l'énergie d'un petit garçon qui va avoir 7 ans dans une semaine. Il n'obéit pas ! On lui en veut... un peu ! On s'en veut... beaucoup ! Qu'est-ce qu'on foutait dans la maison au lieu d'être dans le jardin avec lui ???

Puis on constate à quel point il a été courageux. Du jardin, il a réussi à grimper les escaliers qui mènent à la cuisine. Il a tenu jusqu'à l'hôpital. Il a tenu pendant le scanner qui n'en finissait pas, il a tenu pendant 5 heures qu'à duré une intervention menée par deux chirurgiens. Il n'y a plus d'espoir... Ils l'on dit ! Alors j'y crois encore plus !!! Moi qui avait déjà baissé les bras. Ils disent qu'ils vont l'emmener en hélicoptère à Lille. C'est sûr, là ils vont le sauver, hein ? Non... S'il y a une chance, elle est minuscule. Mais il espèrent aussi... Alors il le disent. Il ne survivra sûrement pas au trajet en hélico. On prie, on espère, on y croit ! J'le connais mon fils. Il est fort pour son âge ! C'est un battant, il va y arriver ! Il ne peut pas mourir... JE NE VEUX PAS !!!!

On arrive à Lille au moins 2 heures après lui. En tous cas c'était long. Dur de conduire. C'est loin, on y arrivera jamais... On en peut plus ! On est sûrs qu'il est vivant. Ils ont pris les numéros des portables. S'il était mort ils auraient appelé ! Alors on y croit encore plus fort. Puis on arrive. Il y a tellement de bâtiments qu'on ne trouve pas notre chemin. Il fait noir, il fait froid, pourtant on est en août. On a peur aussi.

Enfin, c'est là, on va le voir... Le revoir. La dernière fois, il partait en hélico, il était tout branché de partout. Pour la première fois il m'a paru fragile. Il était si froid quand je l'ai embrassé ! Je ne savais pas que c'était la dernière fois. On dirait un sous-sol, un entrepôt. Ça ne peut pas être là ?!? Si... On parle d'un enfant arrivé en hélico de notre ville. Y a pas dû en avoir 50 sur la nuit, pourtant elle regarde sur son pc. Quand on dit que c'est Florian, elle arrête ses recherche et elle appelle quelqu'un. On se doute de quelque chose. Son comportement est louche, elle nous cache quelque chose... Il faut attendre le docteur.

Là-bas, de l'autre côté de « l'entrepôt », de l'autre côté de tous ces brancards... Au moins 200... J'en avais jamais vu autant ! Ça fait peur. L'attente se prolonge... On s'y fait ! L'accident est arrivé à 18h45 et il doit être au moins 6h00. Des internes arrivent, il faut les suivre dans une salle. Sur les murs on voit des panneaux « déchoquage », « soins intensifs » et plein d'autres qui m'on choquée mais que j'ai oubliés. Il faut attendre le docteur, on ne répond pas à nos questions...

Alors on sait ! On est pas fous, on regarde la TV, « Urgences » on connaît... il vont le dire. Il arrive, voilà c'est fait ! Les mêmes mots que dans la série... C'est un film, non ? Un rêve alors ??? NON, NON, NON.... Si !!!! c'est impitoyable, insupportable !! On te file un cachet, tu te fous de savoir ce que c'est ! On te dit qu'il est arrivé vivant, mais qu'il a fait un ultime arrêt cardiaque. Hein ? Eh oui, il en avait déjà fait deux dans notre hôpital. Ah bon... On nous a rien dit !

Tu veux qu'il vive, qu'il soit dans tes bras... Justement, si je veux le prendre dans mes bras, je peux. Quoi ???? Prendre mon fils mort dans mes bras ? Ça va pas la tête, même le voir je peux pas... Trop dur, impossible ! Je ne peux pas !!!! Non, je vous en prie, je ne veux pas... « Mais si vous le voulez, allez venez, sinon vous le regretterez... » Mais je regrette déjà d'être là, à marcher, parler, avoir des sentiments pendant que son corps sans vie est derrière cette porte !!! Finalement j'accepte.

Je lutte tous les jours pour effacer cette image de ma tête et de mon coeur. Je ne veux garder que l'image d'un enfant vivant et joyeux. Je hais la mort, uniquement pour ceux que j'aime, car je voudrais qu'elle me porte vers lui, qu'elle me conduise, qu'elle me guide jusqu'à ses bras qui me manquent tant !!!

Mais c'est pas fini... Il faut aller déclarer sa mort. On est convoqués à l'autre bout de la ville. Où ça ??? Au service des enquêtes judiciaires criminelles ? Quoi ? On s'en fout de toutes façons, rien ne peut plus nous faire plus de mal. Je suis déjà morte à l'intérieur.

On m'accuse presque ! On me dit qu'on va ouvrir son corps : autopsie... Trop tard, on l'a ouvert toute la nuit. Ils peuvent lui faire tout ce qu'ils veulent. Il ne souffrira pas plus. Il est mort ! Oh non, c'est trop dur d'y penser. Trop dur, je veux dormir... Pour toujours. Et je ne me réveille que s'il est là, ok ? Non, ça ne marche pas... il est toujours loin !

Aujourd'hui, près d'un an et demi après, j'ai toujours mal, je ne veux toujours pas fêter Noël sans lui. Mon seul espoir, avoir un autre enfant ! Ça ne marche pas... Me sentirais-je coupable de vouloir le remplacer ? Vous qui avez brusquement perdu un jeune enfant, écrivez-moi. J'ai vraiment besoin de parler...

Christelle
(France)

Classé dans : Témoignages Publié par : La Gentiane - Deuil - Entraide Date : 18 décembre 2003