Mamie,
Ce jour tant redouté est arrivé, te voilà partie et c’est une part de mon enfance qui s’envole avec toi. C’est l’ultime chance que j’ai de te parler et j’ai un peu de mal à trouver mes mots parce que je ressens déjà un vide immense dans mon cœur pourtant rempli de souvenirs et d’amour à tes côtés. J’ai le sentiment que ma vie s’écroule parce que je perds un pilier précieux de mon existence et je vais devoir, avec mes forces et celles que tu m’as laissées, réapprendre à vivre, à vivre sans toi. Mais quel bonheur de t’avoir eue comme grand-mère !
De toi, je ne garderai que le meilleur et ce sera facile parce que tout était bon en toi. Tu as toujours été bienveillante à mon égard, toujours à l’écoute, pleine d’empathie, d’une gentillesse indescriptible et je pense que tout le monde peut en attester, c’étaient tes principales qualités. Je parlerai surtout de celle que tu étais il y a quelques années parce que malheureusement, la vie nous a séparées il y a 7 ans et les moments passés ensemble n’étaient plus vraiment les mêmes, tu n’étais plus vraiment toi-même. J’ai, malgré tout, aimé chaque instant passé avec toi à la maison de retraite, les petits goûters dehors, voir le bonheur dans tes yeux en regardant mes enfants, les embrasser et les chérir comme tu le faisais avec moi quand j’étais petite.
Je garde en mémoire le 8 mai dernier lorsque nous sommes venus te rendre visite pour l’anniversaire de papa et qui s’est soldé par une magnifique photo de famille que je garderai précieusement. Je me souviendrais aussi du mois de juillet dernier lorsque je suis venue te rendre visite avec un flacon de vernis à ongles. J’ai vu le bonheur dans tes yeux, nous nous sommes taquinées avec amour et tendresse, comme nous l’avions toujours fait. J’aurais aimé que la vie nous laisse plus de temps pour revivre des moments comme ceux-là mais, comme on dit, « toutes les belles choses ont une fin ».
Je garde en moi tant de souvenirs de toi, Mamie, comme nos moments à Nogent à discuter des heures sur le rebord de la fenêtre, à te demander de me montrer les lettres que Papy t’écrivait quand il était en Algérie, à te demander de me raconter ta rencontre avec lui quand vous aviez 17 ans, à regarder les photos de ta jeunesse, à te demander de me raconter tes premiers pas chez Pierre Cardin… Tu ne tarissais jamais d’éloges me concernant, tu m’as donné confiance en moi et pour ça, je te remercie. Je te remercie pour tout d’ailleurs, pour tous ces moments merveilleux, tous ces beaux Noëls en ta compagnie.
Je suis triste quand je me dis que ça y est, c’est définitif, je ne te verrai plus arranger ta coiffure dans le petit miroir de la cuisine, je ne te verrai plus prendre ton cabas pour foncer au 8 à 8 ou chez le boucher prendre notre pièce de viande préférée ou nos viennoiseries du matin. Je ne recevrai plus jamais une de tes belles cartes écrites de ta main et avec ton cœur. Plus jamais je ne me lèverai le matin en sentant déjà la bonne odeur du repas de midi qui mijotait depuis plusieurs heures. D’ailleurs, je m’en plaignais souvent, répétant à Papa et Maman « Olala, qu’est-ce que c’est chiant de sentir ça dès le matin ! » Je donnerais cher aujourd’hui pour retourner quelques années en arrière ne serait-ce qu’une seule fois pour revivre tout ça une dernière fois à tes côtés.
Je ne te verrai plus sourire. Je ne verrai plus ce petit air coquin et enfantin que tu arborais si bien. Je ne t’entendrai plus fredonner « Maman la plus belle du monde » de Luis Mariano. Je ne pourrai plus t’embrasser, je ne pourrai plus sentir ton odeur que j’affectionnais tant, je ne pourrai plus t'entendre rire. Mais tous ces instants, toutes ces petites choses de toi restent gravés en moi, dans ma mémoire, pour toujours.
J’ai lu une phrase en début d’année qui disait « La grande faiblesse de la mort, c’est qu’elle ne peut venir à bout que de la matière. Elle ne peut rien contre les sentiments et les souvenirs. Au contraire, elle les ravive et les ancre en nous pour toujours, comme pour se faire pardonner en nous disant : "c’est vrai, je vous enlève beaucoup mais regardez tout ce que je vous laisse" » Eh oui Mamie, tu m’en laisse. Tu nous en laisse à tous des souvenirs en tant que maman, mamie, arrière-grand-mère. Tu as rempli ma vie de joie et de bonheur, et pour ça, je n’aurai jamais assez de toute ma vie pour te remercier.
Tu m’écrivais il y a quelques années sur l’une des nombreuses cartes que tu m’envoyais et qui représentait un joli banc en pleine nature «mais avec un peu de rêve, regarde comme nous serions bien ma chérie toutes les deux assises sur le banc avec un paquet de gâteaux ! Sacré Mamie, il est bon de la voir rêver ! » Oui mamie, c’était bon de te voir rêver et il est bon aujourd’hui pour moi de rêver. Alors, à mon tour de te demander, Mamie, si là, tout de suite, nous ne serions pas mieux toutes les deux assises sur un banc avec un paquet de gâteaux... ?
Merci pour tout Mamie, trouve le repos que tu mérites, retrouve tous ceux que tu chérissais tant. Ta maman pour commencer. Tu m’as si souvent parlé d’elle. Papy Paul, qui t’a soudainement été arraché il y a bientôt 32 ans et que tu adorais tellement. Puis Papy Daniel, pour qui j’ai une pensée toute particulière aujourd’hui. Un homme avec qui tu as si bien su refaire ta vie pendant 20 belles années. D’ailleurs, merci pour ça aussi, Mamie. Merci de m’avoir permis d’avoir un grand-père, n’ayant jamais eu la chance et le bonheur de connaître mon grand-père biologique, tu as su trouver un homme bon comme toi et qui m’a toujours aimée comme sa propre petite fille. Et retrouve tous les autres, tous ceux que tu aimais et qui ont fait de toi cette si belle personne que tu étais.
Tu sais, tu vas sacrément me manquer mais le fil ne sera jamais coupé et je te promets qu’un jour on se retrouvera là-haut et qu’on s’assoira sur un banc avec un paquet de gâteaux pour discuter. Comme avant.
Je t’aime, pour toujours.
Audrey
Bordeaux (France)