Mon frère chéri, voilà plus d'un mois que tu es mort. J'ai du mal à écrire ces mots. Tu me manques tellement. Tout a été si vite avec cette horrible maladie.
Je ne cesse de te revoir à différents moments de nos vies. Tu as toujours été là pour moi, pour maman. Parfois j'ai peur de t'oublier alors je m'en veux de continuer ma vie, mon petit train train. Je n'ai pas envie d'être joyeuse. Je m'en veux tellement de ne pas t'avoir aidé davantage quand tu étais malade. J'ai tellement espéré, prié, cru que, malgré la gravité, tu allais t'en sortir. Tu me disais tout le temps, même avant la maladie, quand je t'appelais « c'est pas grave t'as un frère » et moi je te disais « c'est pas grave t'as une soeur ». C'était notre gimmick... J'aurais déplacé des montagnes pour toi... Mais tout a été si vite. Pourquoi ?
Je me demande aujourd'hui si tu avais peur, ce que tu as pensé lors de cette semaine que je n'imaginais pas être la dernière. Je ne voulais pas que tu vois dans mes yeux ma tristesse et ma peur alors j'ai fait comme si tout allait bien se passer. Tu allais te remettre, te remonter comme je te disais. Tu me l'as demandé « ça ira bien hein? » et je t'ai répondu « tu gères, tout ira bien, ça va aller ». Maman a fait pareil, elle se demande aujourd'hui si elle a bien fait, si elle aurait dû te dire certaines choses... On ne le saura jamais. Elle t'a tellement aimé ta maman... Même les derniers jours tu t'inquiétais de mon petit Gaël et de Juliette, de mes élèves que j'allais reprendre à la rentrée de janvier... C'était bien toi ça ! T'inquiéter des autres avant toi. Tu as transmis tes valeurs à tellement de gens... Comme je suis fière de toi...
Je pense à toi tous les jours. Quelque chose est brisé en moi. La tristesse me tombe dessus n'importe quand. J'ai l'impression de ne rien t'avoir dit alors qu'il te restait si peu de temps en fait... Ce qui me manque ce sont tes blagues, ton air rieur quand tu t'apprêtais à nous raconter je ne sais quelle histoire politique à 12 bandes quand tu revenais à Rennes... L'autre jour j'ai mangé avec Rico Thib et Annie, on discutait et je me suis dit que tu ne serais plus jamais là à notre table ronde dans le salon et que Thib, Annie et Rico ne te rentreraient plus jamais dans le lard pour le plaisir de te contredire. Tu me manques tellement... Nos dernières discussions en octobre, tu étais déjà affaibli et pourtant on s'était écharpé sur cette nana qui avait sorti je ne sais quelle énormité sur les femmes seules au SMIC... On discutait de tout, de rien. C'était la vie quoi !
Prise dans le quotidien ces dernières années, j'ai l'impression aujourd'hui de ne pas avoir assez profité de ces moments toutes les années passées. Je n'imaginais pas que tu partes ! Tu étais là depuis ma naissance ! C'est inimaginable, injuste. Ce qui me manque, c'est ta générosité, ta gentillesse, ta capacité à partir en vrille, les discussions passionnées sur tout et n'importe quoi. Ta gentillesse, ta folie avec mes enfants et les tiens. Tu serais fier d'eux. Ce sont les « Fab four » les 4 cousins! Tes « Shazam ! », tes « Ma nièèèèce ! » me manquent, nous manquent... Tes étonnements sur la vie, les bouquins, ton immense culture. Tu manques aussi à Juliette et Gaël. Juliette écrit et dessine beaucoup pour toi en ce moment. Elle aimait son tonton et l'aimera toujours. Gaël est petit mais il se rappelle les « Voici nounouuuuuuu ! ».
Je ne veux pas t'oublier. J'ai envie de croire que tu es encore là, quelque part. Que tu nous vois de là-haut. Tu as retrouvé grand-père que tu aimais tant, papa, René, et d'autres qui te sont chers. Je regarde des photos de toi, quelques SMS qu'on s'envoyait. J'essaie de me rapprocher de toi par les lectures que tu aimais, d'une certaine manière cela me permet de m'évader de la tristesse et cela me rapproche de toi. J'ai découvert Lovecraft, que tu m'as longtemps vanté. Je vais m'atteler à Spinrad. Prochaine étape : je reprends Asimov !
Tu me parais encore si vivant. Je n'arrive pas à accepter, je voudrais comprendre alors qu'il n'y a rien à comprendre. Je voudrais te parler une dernière fois. Alors je le fais à travers cette lettre. Peut être que ces mots t'atteindront d'une manière ou d'une autre.
Je t'aime tellement mon frère, tu étais si gentil. On se reverra je le sais. Je t'aime.
Laptite
Rennes (France)
La lecture de votre lettre à votre frère me procure tristesse et apaisement en même temps. Je ressens pour mon frère décédé, il y a 3 jours, les choses telles que vous décrivez.
Lino, 5 avril 2020Merci pour ce partage et d’avoir eu vos mots pour traduire mes propres maux. Je vous présente mes condoléances et vous souhaite bon courage.