Nous avons dormi dans ta chambre. La faire vivre. Comme pour conjurer et exhumer l’insoutenable manque. Être avec toi ; faire comme si. Te sentir tout près. Nous assoupir dans les soupirs de tes gammes, si, do, ré… portés dans tes silences, dans le son imperceptible de l’âme de ton violon, dans les tréfonds de ses vibrations.
Maison de vacances. Maison des jours heureux. Maison où résonnent maintenant les trois mots terrible d’Allan au téléphone. « Elle est morte. Elle est morte. » La foudre qui s’abat. Hurlement d’épouvante. Tremblement de terre. Tout qui s’écroule.
Je ne sais pas ce que cette maison, ta maison, va devenir. Tu y étais tellement attachée, souhaitant qu’on la garde pour nos vieux jours et tes futurs enfants… nos petits-enfants qui y seraient venus en vacances.
Ah ces discussions et désaccords sur les enfants que je te conseillais d’avoir le plus tard possible pour profiter de la vie et parfaire ta carrière professionnelle. Mais comme je voudrais les avoir déjà eus ces petits-enfants qui seraient pleins de toi aujourd’hui !
Où es-tu mon Anne-Sophie ? Tu as pensé à quoi, à qui, durant les dernières minutes ? T’es-tu vue mourir ? T’es-tu sentie désespérée en ne voyant venir personne pour te secourir ? Ton agonie a duré combien de temps ? As-tu souffert ? As-tu réellement eu un coup à la tête ? As-tu appelé « papa, maman » ? Qu’ont vu tes beaux yeux noirs de jais, durant les dernières secondes, dans les vagues qui t’emportaient ? Je t’en supplie Anne-Sophie, parle-nous, visite-nous, prends ma plume pour m’écrire comment tu vas là-haut.
Marie-Annick Torrijos-Faisant
Paris (France)