Je me présente, Roger, 45 ans, marié et père de famille d'une fille de 21 ans. J'ai perdu ma mère le 2 janvier 2017 de mort naturelle, elle avait 78 ans. Quant à mon père, lui, il a décidé de se suicider le 2 novembre 2017, ne supportant plus la séparation, soit 10 mois plus tard jour pour jour...
Je me rappelle l'appel de mon père ce 2 janvier 2017, il était 5 h du matin et ses mots pour m'annoncer la triste nouvelle résonnent encore dans ma tête. Ce fut un coup de tonnerre terrible qui s'abattit sur moi. Je préviens alors quelques proches et nous prenons la route vers 8 h du matin, direction la Normandie où mes parents résidaient. Nous sommes une fratrie de cinq mais je suis le petit dernier d'un couple recomposé. Mon père avait eu trois enfants d'un premier mariage et ma mère un (enfin, une). Nous sommes arrivés sur les coups de 11 h, je fis un câlin à mon père à mon arrivée puis alla directement dans la chambre où était allongée ma maman. Ce fut surréaliste, je n'arrive pas une seule seconde à y croire. Ma sœur s'occupa des funérailles, de tout ce qui était administratif. Quant à moi, je m'occupai de mon père. Je me suis occupé de lui durant 10 mois. Bien sûr la distance nous séparait mais j'essayais de descendre tous les mois. Il est parti avec nous cet été en vacances mais, surtout, il ne s'est pas passé un seul jour sans que je puisse l'avoir au téléphone jusqu'à ce 2 novembre 2017. Je l'avais eu la veille et, comme à son habitude, il me demanda à quelle heure je l'appellerais le lendemain. J'ai essayé de le joindre durant deux heures. J'étais apprêté pour aller au travail quand ma sœur m'appela me disant que c'était bizarre, tous les volets étaient fermés. Je lui expliquai alors que j'essayais de le joindre depuis le matin. Elle prit alors le double des clés et alla chez mes parents, elle habitait la maison juste à côté. À cet instant je compris qu'il s'était passé quelque chose et je réalisai que nous étions le 2 novembre 2017. Je rappelai de nouveau chez mes parents et ma sœur décrocha me disant que mon père s'était pendu, nous laissant des lettres et l'heure à laquelle il le fit, 3h30 du matin, l'heure où maman est partie.
J'ai pris le relais, je me suis occupé de ses funérailles ainsi que de tous les papiers, maison et compagnie... une semaine où je n'avais pas le droit de faillir. Il fut mis à côté de maman comme étaient ses dernières volontés...
J'ai fait une grosse dépression car en fait je n'avais pas entamé mon deuil pour ma maman. Je ne pouvais pas baisser les bras pour mon père, je me suis complètement refermé sur moi-même jusqu'à ce 6 février 2018 où j'ai essayé de me suicider à mon tour. J'ai avalé tout un tas de cachets et me suis retrouvé deux jours dans le coma puis placé dans une maison de repos en banlieue parisienne d'où je vous écris. Cela prend du temps et du travail à faire sur soi mais j'ai l'impression de sortir la tête de l'eau. Plein de questions restent en suspens et le resteront mais j'avance étape par étape.
J'ai acheté un livre où je me retrouve dans beaucoup de situations et j'ai l'impression qu'il m'aide véritablement à aller de l'avant : « La vie après le suicide d'un proche » de Katia Chapoutier.
Bien sûr la route sera longue mais j'ai la chance d'être très bien entouré.
Je dirai une dernière chose pour ceux qui vivent ce drame : surtout ne pas se renfermer, sortir voir du monde, ne pas avoir peur de mettre des mots sur ce qu'on ressent... et, surtout, ne rien se reprocher, respecter son choix, aussi dur qu'il puisse être, pour ceux qui restent et, justement, y penser et se dire qu'on ne fera pas ce choix car nous connaissons cette douleur et qu'en aucun cas nous voulons l'infliger à ceux qui nous aiment...
Cordialement,
Roger
Choisy-le-Roi (France)