J'ai perdu quatre êtres chers à mon cœur il y a, au moment où j'écris ces lignes, quatre ans. Trois suicides dans ma famille et un suicide déguisé, une amie d'enfance, école primaire. Après quatre ans, je peux dire que le temps a fait son oeuvre. Mais il me reste encore beaucoup de travail à faire, en ce sens que je dois chaque jour me battre contre mes fantômes du passé encore bien vivants. Car comme disait Saint Augustin : « Les morts ne sont pas absents, ils sont des invisibles... »
Vous savez, je crois que ce qui m'a sauvé c'est d'abord la décision de survivre, car au début je ne faisais que survivre. Avec le temps un autre éclairage s'est ajouté, celui de re-choisir la vie, la vie pour ce qu'elle est et non pas ce que je voudrais qu'elle soit... Et cela 24 heures à la fois, comme font les Alcooliques Anonymes. La mort et la souffrance sont des expériences intimes et uniques, et nul ne peut juger de cela que soi-même avec soi-même.
J'ai souffert avec mes tripes, Dieu en est témoin, souffert de ne pas avoir su décoder les signaux, si grands qu'ils étaient. Mais avec le temps, je comprends que même en ayant décodé les signaux de chacun, je ne pouvais qu'intervenir d'une façon limitée, en ce sens que chacun d'entre eux, ces êtres, était arrivé aux confins d'une étape de son existence où il devait se repositionner face à son existence, face à son bilan de vie... et le compte a malheureusement penché un peu plus du côté de la mort que du côté de la vie. Pourquoi ? Nul ne peut y répondre, peut-être pas même eux...
Vous savez, les suicidés emportent avec eux des secrets que nous ne saurons jamais... Car leurs secrets sont leurs histoires et cette histoire est leur vision du monde et des expériences qui l'ont façonnée. Et peut-être y a-t-il plus ? Qu'en savons-nous ?
Bref, mon message à moi-même est le suivant : je ne pourrai jamais vraiment comprendre car choisir la mort est au-delà de la compréhension terrestre. Mais je peux comprendre, et Dieu sait à quel point je le fais, combien un être aux confins de son existence, n'ayant de vue ou de vision sur d'autres solutions, peut en arriver à ce choix... quant à sa souffrance. Mais je comprends également toujours avec le recul, que même devant la souffrance il y a d'autres choix, mais leur choix était peut-être le bon compte tenu de leur histoire et de leur vision du monde... et surtout et avant tout de leurs blessures, blessures que nul ne peut juger, car qui sommes-nous pour juger notre prochain, et encore plus notre prochain au travers de sa souffrance.
Mon message d'espoir est le suivant : raccrochez-vous, vous qui souffrez, raccrochez-vous à des petites choses qui vous semblent peut-être banales, banales dans votre instant de souffrance, mais combien grandioses pour vous-même et avec vous-même. Avec le temps, la vie et le bonheur sont faits de petites choses, un lever de soleil, un bon repas partagé, marcher sous la pluie, entende le vent souffler, regarder un enfant sourire ou rire... faire un sourire... Bref, raccrochez-vous, raccrochez-vous à vous même par amour pour vous et pour ceux qui vous succèderont. Vos enfants peut être, votre conjoint, vos amis, votre famille, mais d'abord votre conviction face à la vie pour ce qu'elle porte de merveilleux même dans l'adversité. Même si aveuglés par votre souffrance, accrochez-vous car cette souffrance finira par se dissiper si vous lui en donnez le temps. Le temps est un merveilleux remède...
Avec tout mon amour.
Gate
Sherbrooke (Québec)