La perte d'un enfant est une vraie tragédie. Nous ne sommes pas préparés à survivre à nos enfants. La normalité est de mettre au monde nos enfants, voir nos petits-enfants et finalement leur dire au revoir pour notre grand voyage. Mais voilà que la vie ou plutôt la mort nous arrache nos petits. Ma petite histoire est celle-ci : en 1986, à l'âge de 19 ans, j'ai mise au monde une petite fille de 7 livres et 8 onces. Bien sûr c'était notre premier enfant. Tout se déroulait bien, ou presque, lors de l'accouchement. Nous avons passé la nuit, et le lendemain matin le pédiatre est venu me rencontrer pour me parler de mon bébé. Il m'expliqua qu'elle avait passé la nuit dans un incubateur avec de l'oxygène, car elle avait tendance à devenir bleue quand elle pleurait. Il m'annonça qu'il devait la transférer à l'hôpital Laval, sans me donner de diagnostic. Alors j'ai téléphoné de toute urgence à la maison et mon conjoint est arrivé en catastrophe avec mes parents. Le prêtre était là pour ondoyer notre fille avant le départ de l'ambulance, ce qui fût fait. Nous l'avons nommée Cindy. Ma mère fit le voyage avec elle, et mon conjoint et mon père se sont rendus à l'hôpital en voiture.
Après les examens, ils lui ont fait une première opération, soit de placer un ballon pour refermer la petite ouverture qu'il y avait entre les deux oreillettes du cœur. Et ils nous annoncèrent qu'elle avait une autre malformation cardiaque, une transposition des gros vaisseaux. Son sang n'était pas oxygéné. Ils nous expliquèrent tout le processus et le pronostic. Elle devait grossir pour subir l'opération, qui devait consister à replacer les vaisseaux à leur endroit respectif ; elle avait 90 % des chances de s'en sortir. Nous avons tout misé sur ses chances.
Quelques jours plus tard, elle dut être transférée au CHUL, car son taux de jaunisse était trop haut. Il lui ont changé tout son sang. Ensuite, retour à l'hôpital Laval. Nous étions toujours sur le qui-vive. La journée qu'elle devait sortir, son état se détériora et le médecin décida de la garder. Ensuite, quelques jours plus tard, ils décidèrent de procéder à l'opération, car son état se détériorait encore et il ne restait plus que cet espoir.
Qu'elle fut difficile cette journée ! D'abord, il fallait que j'aille la reconduire au bloc opératoire. Je l'avais dans mes bras et elle me souriait. Durant tout le trajet, elle me regardait et je la regardais. Je nous revois encore dans l'ascenseur. Je me souviens du pincement que j'ai eu quand je l'ai remise à l'infirmière et qu'elle est partie derrière ces lourdes portes et dans cet interminable corridor. Je ne me doutais pas que c'était la dernière fois que je la voyais consciente.
La longue attente commença. Finalement l'opération se termina. Les médecins me rencontrèrent pour m'expliquer qu'ils n'avaient pas pu procéder complètement à l'inversion des gros vaisseaux, car ceux-ci étaient soudés ensemble. Du jamais vu ! Ils m'expliquèrent qu'ils avaient fait une opération palliative qui lui permettrait de prendre du poids et de pouvoir subir une autre opération.
Ensuite je suis allée la voir. Je ne l'ai même pas reconnue. Elle était tellement enflée. Tout semblait bien aller. Toute les machines étaient stables. Jusqu'à ce que je parle. Quand j'ai demandé à l'infirmière comment cela allait et qu'elle me répondit, tout s'est mit à bouger et les machines émettaient des sons. L'infirmière s'affolait et moi je ne réalisais pas que tout ce brouhaha était pour ma fille. Son cœur était en train de flancher... comme si elle m'avait attendue avant de partir.
Les médecins ont tout fait pour la sauver, quand ils sont venus m'annoncer la mauvaise nouvelle ils pleuraient eux-mêmes. Ils m'ont demandé de faire un don d'organes et j'ai donné sa cornée. Elle avait un mois et une semaine.
Elle aurait eu 14 ans le 26 décembre. J'ai eu de la peine, tellement de peine. J'en ai toujours. J'y pense toujours et j'y penserai toute ma vie. Mais la vie continue malgré tout. Aujourd'hui j'ai deux autres enfants. Après Cindy pour mon deuxième enfant j'ai souhaité un garçon, car je ne voulais pas faire de transposition, et ce fut un garçon. J'étais heureuse. J'ai fait des fausses couches entre mes grossesses et je n'ai jamais eu de la peine comme au décès de ma fille. Cinq ans après la naissance de mon fils j'ai eu une fille. Nous l'avons nommée Émilie.
Nos enfants connaissent l'histoire de Cindy. Nous sommes même allés au cimetière. Pour eux comme pour nous, elle est toujours là pour nous protéger et nous aimer.
Mais sachez qu'on ne peut pas oublier la mort d'un être cher, il faut seulement l'accepter et apprendre à vivre avec. Il faut aussi se souvenir du positif qu'ils nous ont apporté. Ma fille m'a appris que la vie valait la peine d'être vécue, car elle s'est battue pour survivre, même si jeune. Alors je n'avais pas le droit de me laisser abattre. Je lui devais bien cela !
Josée
Charlesbourg (Québec)