La perte d'un fils, la perte d'un époux, la perte d'un père... je ne sais pas encore ce que tout cela signifie mais je sais que celle d'un frère est douloureuse. On ne peut imaginer la souffrance qu'une mort peut apporter, et même quand on la vit, cette souffrance nous impressionne. On reste paralysé, sous le choc. On n'a plus conscience de la vie qui nous entoure, on ne veut pas vraiment la voir non plus. Les gens vont travailler, ils vont à l'école, s'occupent des leurs. Les gens aimables nous disent : « Une étoile de plus dans le Ciel ». Mais on ne veut pas d'une nouvelle étoile dans le Ciel, on le veut lui, ici bas, avec nous. Pour nous, qui vivons le deuil, tout bascule en quelques secondes, tout s'arrête. Les jours qui suivent sont fades et se ressemblent. On le cherche, on pense à lui, on pleure, on crie, on veut le voir, on veut rire avec lui, on veut le serrer dans nos bras... On l'imagine ouvrant la porte d'entrée et nous saluant avec son beau sourire, comme si rien ne s'était passé. Mais bien sûr, il n'en est rien.
Les jours passent et la vie nous ramène peu à peu à la réalité... La dure réalité d'une nouvelle vie. Une nouvelle vie sans lui... On ne veut pas. On veut la vie où il était présent, là, à côté de nous. Mais encore une fois, on ne peut rien faire, il ne reviendra plus. Il n'est pas parti travailler, il n'est pas parti avec ses amis non plus, il est parti pour toujours. Autour de la table, il reste une chaise vide. La perte d'un être cher est comme une amputation de notre âme. On ne veut pas l'accepter mais la vie nous apprend à vivre avec ce vide. Peu à peu, on le remplit avec les souvenirs. Le souvenir de notre enfance, de notre complicité, le souvenir du temps passé ensemble, à jaser, à regarder un film, à rire, à jouer. Les émotions de la tristesse se mêlent aux émotions de la colère, de l'abandon, du désespoir. On se dit qu'on n'a pas eu le temps de faire telle chose avec lui, qu'on avait prévu d'aller à tel endroit ensemble, qu'il est parti trop tôt et surtout sans avertir.
Voilà maintenant quelques semaines qui se sont écoulées, on ne s'y fait pas. La douleur est toujours aussi présente, aussi intense. On prie afin qu'il nous soulage. Il nous manque, on espère tellement le revoir, lui sourire, lui parler. Cette réalité nous frappe durement. Et puis le jour vient où on se rend compte qu'il est toujours là, qu'on peut encore lui parler, lui écrire, faire des blagues avec lui, lui dire qu'on l'aime. Tranquillement, on apprivoise les nouvelles expériences que le deuil nous fait vivre, celles de lui parler sans le voir, de lui écrire sans poster de lettre, de pleurer sans qu'il puisse nous tendre un mouchoir. On est attentif aux signes qu'il peut nous faire, aux réponses qu'il nous donne. On devient conscient de sa puissance Là-Haut et on lui demande de veiller sur ceux qu'on aime. Il est là, une nouvelle relation se développe, s'épanouit, nous fait vivre des émotions qu'on n'aurait pas pu découvrir autrement. Ça fait du bien. Le désir de le serrer dans nos bras, de le regarder, se transforme en découverte de ce nouveau monde qui est maintenant le sien.
Voilà presque un an que mon frère a brusquement disparu et encore aujourd'hui, il m'arrive encore de le pleurer. Il est très difficile de réaliser qu'il n'est plus. Mais par son esprit, par le frisson qui nous transperce, par la pluie qui tombe, par le rayon de soleil qui brille, par le vent qui souffle, je sais qu'il est tout près.
Une légende inuite dit : « Les étoiles ne sont peut-être pas des étoiles... mais plutôt des ouvertures dans le Ciel d'où l'amour de nos disparus se déverse et nous illumine pour nous faire savoir qu'ils sont là et qu'ils sont heureux ».
Souvenez-vous que lorsqu'un proche décède, tout n'est pas terminé. Il a besoin de vous autant que vous avez besoin de lui et par la pensée, par les conversations que vous aurez de lui, il ne mourra jamais.
Kyna
Saint-Étienne-de-Lauzon (Québec)