J'en suis tombée amoureuse dès que je l'ai vu. Il était marié. J’ai évité de le rencontrer et huit ans après alors que je suis allée le consulter pour mon projet de construction, il m'a demandé ce que je devenais. J’ai raconté mon fils, ma séparation. Il m'a dit « bienvenue au club » en me faisant comprendre qu'il était seul. Et huit jours après nous étions ensemble.
J’ai alors été heureuse comme jamais je ne l'avais été. C’était un amour inconditionnel. Même si je souffrais parce qu'il voulait rester discret, car en plein divorce. Il était encore amoureux de sa femme qui était partie avec son meilleur ami. Et il m'a quittée neuf mois plus tard le lendemain d'un Noël partagé ensemble avec mon fils de cinq ans. Je n'y ai rien compris.
J’ai alors fait de l'anorexie, j'ai voulu en finir. Mon fils ne voulait plus manger non plus. J’ai supplié mon ami de venir lui expliquer qu’il n'était pas en cause. Il passait nous voir souvent, m'a expliqué plus tard qu'il ne se sentait pas aimant comme je l'étais et préférait s'écarter, il ne se sentait pas légitime. J'en étais démolie parce que je savais que ce n'était pas la raison. Je l'ai toujours accueilli avec amour et attentions, il se sentait bien avec nous… et repartait toujours en me serrant dans ses bras. Il savait ma souffrance. Je savais au fond de moi qu'il reviendrait, je l'attendais.
Sept ans ont passés, j'avais essayé de continuer ma vie mais n'y arrivais pas… le voulais-je vraiment ? Et après Noël 2012 il est passé me voir, m’a fait comprendre qu'il était prêt à revenir, qu'il n'était pas heureux depuis deux ans avec sa compagne qu'il ne voyait plus. Il voulait passer le réveillon avec moi. J’ai répondu que nous verrions après. Je voulais qu'il mesure le manque que j'avais pu éprouver toutes ces années et je ne voulais pas revenir comme si de rien n'était. Ma petite vengeance maintenant qu'il se décidait. Nous avons échangé un baiser. J’ai été transportée de bonheur. Enfin il revenait.
Et le 2 janvier au matin, c'est une amie qui m'a téléphoné, ne sachant pas comment me dire qu'il était mort d'un infarctus massif le 1er au soir aux urgences de l'hôpital où je travaille. J’ai été dévastée. Je suis allée faire une visite au funérarium, lui dire adieu. Peu de gens nous savaient aussi proches. Sa compagne des derniers temps faisait tout un tralala à grand renfort de pleurs. Je suis restée digne à pleurer en silence, seule avec mon immense chagrin. Seuls quelques amis savaient et souffraient pour moi. Je ne suis même pas allée à la crémation. J'ai proposé mon aide à son frère qui savait pour nous. Nous avons fait les remerciements ensemble. Et il en a profité pour essayer de se rapprocher de moi pour remplacer son frère. J’ai coupé les ponts.
Aujourd’hui, cinq ans après, je le pleure toujours et n'arrive pas à avancer. J’avais fait mon deuil un temps en me disant que si nous avions repris cela aurait peut-être été source de souffrances et autres séparations. Je ne le saurai jamais. Ce que je sais aujourd'hui c'est que je l'ai en moi. C'est l'amour de ma vie. Et cela fait 24 ans que nous nous sommes croisés pour la première fois. Je n'ai oublié aucun des détails de notre histoire.
Je ne demande pas ici un jugement ou d'être comprise. J’ai fait comme vous, j'ai écrit pour exprimer ma peine. Je ne sais que pleurer quand j'y pense ou en parle. La souffrance est toujours là. J’ai fait un travail sur moi, accompagnée. Mais je n'arrive pas à passer à autre chose. Je vis dans la maison que nous avions dessinée ensemble et j'envisage de la vendre pour essayer de tourner la page, moins baigner au quotidien dans ce qui était « nous » et qui m'empêche peut-être d'avancer. Ou bien est-ce que je dois accepter de vivre seule parce que c'est ma destinée et que je ferai toujours inconsciemment capoter mes tentatives de nouvelles relations? Aujourd’hui je le refuse. J’ai l'impression qu'il est là, je lui parle souvent.
Si vous pouvez m'aider, je suis à votre écoute. Il me faut juste un déclic… qui ne vient pas. Je n'ai pas la clé.
Françoise
(France)